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Entre le guts et l’inconscience : la créativité

Entrevue réalisée avec Marie-Audrey Richer, le 10 octobre 2015, à Lévis

Ça fait un moment que j’ai envie d’écrire ici au sujet de la créativité! Je trouve fascinant d’analyser le parcours des artistes (toutes catégories confondues) et d’en apprendre plus sur eux : d’où ils viennent, qui ils sont, ce qu’ils ont vécu, et surtout, de quelle manière ils perçoivent leur art et leur démarche artistique. La vie fait parfois bien les choses, parce qu’une auteure que j’adore, madame Elizabeth Gilbert (oui oui, celle qui a écrit Mange, prie, aime), vient tout juste de publier un nouveau bouquin : Big Magic – Creative Living Beyond Fear (ou Comme par Magie – Vivre sa créativité sans la craindre). À la suite de cette annonce, je me suis PRÉCIPITÉE en librairie, la semaine dernière, pour ensuite le dévorer d’un couvert à l’autre.

Cet essai est un mélange d’anecdotes, de théories, de conseils bienveillants et de suggestions de lectures sous le thème de la créativité. J’en conseille vivement la lecture à tous ceux qui ont un intérêt (aussi mince soit-il) à créer. Écrire, peindre, sculpter, dessiner, collectionner, « scrapbooker », danser, jouer au théâtre : toutes ces sphères artistiques par lesquelles nous arrivons à nous exprimer et à assumer qui nous sommes. C’est un récit vivifiant et passionnant : l’auteure est fascinante, son parcours est inspirant, et ses idées, franchement stimulantes. Elle invite ses lecteurs à avoir le courage de travailler d’arrache-pied afin que l’inspiration et la créativité aient envie de se mêler à leur œuvre. C’est un livre brillant, sans les clichés insupportables de l’artiste martyr et du motivateur qui veut vous faire croire que vous serez millionnaires en deux temps trois mouvements.

Il se trouve que plus j’avançais dans ma lecture dudit bouquin, plus je pensais à une personne de ma connaissance. Marie-Audrey Richer est une amie, une ancienne collègue et une femme ambitieuse et courageuse. Elle a quitté un emploi intéressant, des cotisations sur ses REER et une vie rangée, mais dans laquelle elle ne se reconnaissait plus pour se lancer en entreprise, avec Plein les yeux, une petite entreprise offrant des ateliers créatifs qui visent à éveiller la créativité des jeunes et des moins jeunes. J’ai eu le bonheur de m’entretenir avec elle, cette semaine, et j’ai le plaisir de vous la présenter aujourd’hui, car je sais que son histoire vous plaira.

AA (LFC) : Marie-Audrey, lorsqu’on s’est connues, tu travaillais en communication et en graphisme pour une grosse compagnie, dans un cadre assez strict de « 8 à 5 ». Saurais-tu nous résumer ton parcours et ce qui t’a amené à changer de vie?

Marie-Audrey : Depuis toujours, je savais que je voulais travailler dans les arts. Je prenais toujours les arts en option à l’école. Au cégep j’ai fait Communication visuelle, qui se résumait à 80% à des cours d’arts plastiques. À l’université, même chose, excepté que c’était beaucoup plus de création virtuelle. En communication graphique, le côté professionnel m’attirait beaucoup, ainsi que la pub et le côté glamour dans tout ça. Sur le marché du travail, après mon bac, il fallait mettre la théorie en pratique, par contre, à travers des paramètres budgétaires, des comités de sélection, un supérieur immédiat… Quand tu es un-e artiste, tu te rends compte à un moment donné que ta créativité est tellement encadrée que tu ne te laisses plus aller. Je me sentais encabanée, mais ça m’a permis de développer des aptitudes, d’apprendre à créer à travers la façon de voir de mes clients. J’ai par contre l’impression qu’à force de faire ça, la base créative voulait remonter à la surface. J’ai ressenti un besoin de revenir à mes racines.

AA (LFC) : Ce retour à tes racines — cette décision de te lancer dans un projet 100% créatif — n’a pas dû se faire en quelques jours?

Marie-Audrey : Ç’a été un long processus de réflexion. Je me suis beaucoup remise en question. « Est-ce que je ne suis plus bien dans mon travail à cause d’un manque d’adaptation, ou à cause de frustrations qui viennent de moi? » est une des questions que je me suis posées! J’ai apporté beaucoup d’ajustements dans mes tâches, dans mes méthodes de travail, mais j’avais un gros manque de motivation. Et c’est comme ça que je me suis mise à rêvasser à ce que je souhaitais réellement faire.

J’ai commencé à me dire que je pouvais m’autoriser à faire ce que je voulais vraiment. L’hiver passé, une idée a germé : je me voyais avoir un atelier avec beaucoup de matériel où les gens pourraient payer à l’utilisation des matériaux et du temps d’atelier. Personne ne fait ça dans la région, et ça aurait permis à certains d’explorer une foule de médiums artistiques sans payer des sommes faramineuses. Ma petite voix me disait que c’était plutôt hurluberlu comme projet. Tout ce temps-là, je m’accrochais à ma job par habitude et par sécurité. Au printemps, ça s’est réellement enclenché. À l’intérieur d’un bon trente jours, j’ai précisé mon idée. Je me suis demandé si ça pouvait être viable, j’ai fait une étude de marché (rien d’exhaustif), et il y avait de l’ouverture.

AA (LFC) : Le lancement de Plein les yeux a eu lieu au début juillet. Quelques mois à peine plus tard, comment te sens-tu par rapport à ton projet? Obtiens-tu les résultats escomptés?

Marie-Audrey : Avec un peu de recul, je considère ma décision à mi-chemin entre le guts et l’inconscience!  En général, je suis quelqu’un d’ultra-planifiée : c’est une des fois dans ma vie où je le suis le moins. Je fais tout moi-même, car il n’y a pas assez de volume pour avoir un partenaire pour l’instant. Je me donnais quand même plusieurs mois pour donner la chance au projet de « lever ». Je me donne le temps de le faire et d’ajuster, et je ne suis pas trop exigeante avec moi-même. Pour le moment, ça dépasse mes attentes!

AA (LFC) : Wow! Félicitations! À Plein les yeux, quels sont les ateliers disponibles, quelle est ta clientèle cible?

Marie-Audrey : L’atelier est chez moi, mais la majorité des ateliers et des services, je les donne à l’extérieur — en entreprise, à domicile.  Ça peut s’adresser à tout le monde, mais je fais principalement des ateliers dans les écoles avec les jeunes en ce moment. Différents ateliers sont offerts, dont la création de signets de lecture, de mandalas, de montgolfières, des soirées art & vino également! C’est un peu comme des soirées Tupperware ou des rencontres Mary Kay, mais on travaille sur un projet créatif avec ta gang!

AA (LFC) : J’ai soudainement beaucoup d’intérêt pour cette dernière suggestion (rires)! Mais j’ai une autre question plutôt sérieuse pour toi : faut-il être talentueux ou avoir des aptitudes en art pour pouvoir s’exprimer à travers elle?

Marie-Audrey : Ça tombe bien que tu me demandes ça parce que je veux justement mettre de l’avant que dans tous les ateliers que je donne, les débutants sont les bienvenus. Il faut que le processus créatif soit tellement agréable qu’on en oublie les résultats. L’acte de faire une œuvre d’art ou de bricoler sensibilise beaucoup les gens à penser à leurs expériences et à profiter du moment présent, et non aux résultats. À tâtons en arts : il sort des choses intéressantes. On ne vise pas la fierté ou la crédibilité à travers les résultats, mais en général c’est de voir comment la personne a vécu son expérience, comment elle a exploité sa sélection de couleurs, par exemple. C’est plus cette partie qui me fait « triper »!

AA (LFC) : Pour finir, que viennent chercher les gens dans tes ateliers?

Marie-Audrey : Mis à part les enfants, les gens sont plutôt dans leur bulle. Ils veulent sortir de chez eux et faire un shutdown de leurs journées. Au lieu de faire une randonnée en montagne, par exemple, ils viennent faire un atelier de mandala. Ce n’est pas spirituel, ma spécialité c’est l’art au point de vue technique. Ça permet de décrocher. Les gens viennent par intérêt.

Découvrez Marie-Audrey Richer, animatrice créative, et Plein les yeux dans la région de Québec en visitant son site web et sa page Facebook.

J’espère, mes ami-e-s crépu-e-s, que le parcours de Marie-Audrey vous a inspiré comme il me fascine et m’inspire, moi! Elle est une preuve vivante que la prise de risques au nom de ce qui nous passionne, c’est toujours payant!

AA ♥

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