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La science ouverte : pour un savoir libre de droits!

C’est dans un poignant séminaire de maîtrise que j’ai d’abord pris contact avec la notion qu’est la science ouverte, devenue un réel mouvement au sein des communautés scientifiques militantes du monde. Assise au cœur du petit groupe composant ma classe, j’étais pour la première fois de ma vie une minorité visible « chez nous ». Jeune femme caucasienne, j’avais tout à apprendre de ces hommes de 30 ans passés, aux origines ethniques diverses; j’allais plus que jamais être confrontée au miroir de l’altérité. Une page de mon ignorance s’est tournée, ce printemps-là, et il m’était dès lors impossible de retourner à l’état confortable qu’elle me procurait jadis.

Pour vous, fidèles lecteurs ouverts d’esprit, je vulgariserai les grandes lignes du concept de science ouverte et les enjeux grandioses qui le composent. Attachez votre tuque!

Avez-vous déjà considéré le savoir scientifique comme étant une marchandise? Comme quelque chose qui s’achète? Peut-être ai-je fait preuve d’une naïveté monumentale une majeure partie de ma vie, mais dans ma tête, s’éduquer hors du cadre scolaire était entièrement possible pour quiconque ayant la volonté de le faire…

… jusqu’à ce que je me désinstitutionnalise, et que je réalise que ben, je devais désormais payer pour continuer à accéder aux écrits de nombreux chercheurs que je suivais assidument lorsque je portais le statut d’étudiante. Devoir payer pour accéder à un savoir reconnu, notoire, est pour moi une abomination, une violence institutionnelle effroyable. Pour ceux qui ne voyaient pas encore quelle forme pouvait prendre l’idéologie sournoise de « maintenir le peuple dans l’ignorance », la marchandisation du savoir en est un exemple obscène… surtout en sachant que si nous sommes 10 000 individus à acheter, donc à consommer la science d’un chercheur X, le montant payable pour l’article ou le document ne va pas 10 000 fois dans les poches de l’instigateur. Non non non; c’est bel et bien le gouvernement qui s’enrichit, puisqu’il finance lui-même une majorité de nos intellectuels savants, sans quoi ceux-ci n’auraient pas d’emploi.

Tout comme moi, la science ouverte s’indigne face à cette réalité, et souhaite voir libérer le savoir scientifique de l’emprise capitaliste, pour qu’il remplisse des cerveaux, non pas des comptes de banque.

Plus ambitieuse encore, la science ouverte souhaite créer un véritable flux des savoirs entre les pôles Sud et Nord. Elle souhaiterait qu’un jour, le savoir scientifique de ce monde soit accessible même aux paysans du plus profond du Cameroun. Que ta situation géographique ou sociale ne soit plus déterminante de ton niveau de connaissances. Que la soif que procure la curiosité intellectuelle soit étanchée, partout dans le monde.

Par ailleurs, vous allez me trouver drastique, là, mais l’hégémonie de la science occidentale doit être anéantie. Quand on fait une simple recherche bibliographique, c’est à croire que les Occidentaux produisent l’entièreté du savoir, que tous les illuminés de l’histoire proviennent de l’hémisphère Nord. Comment est-ce logique que même en Afrique, les savoirs blancs soient vénérés dans les institutions scolaires? C’est une aberrance que de constater la non-reconnaissance scientifique des savoirs produits au Sud… même au sein du Sud lui-même! Les ravages de la colonisation, direz-vous. Ouin, ça ressemble pas mal à ça… In a nutshell. Mais encore là, c’est tellement effronté de croire que l’homme blanc en veston-cravate a plus de crédibilité scientifique qu’un petit Africain en pagne connaissant les lois de la nature mieux que quiconque. C’est un construit extrêmement effronté que d’assumer que nous détenons l’unique vérité, icitte dans le Nord. Les savoirs locaux, indigènes, sont maintenus en vase clos, dévalorisés, ou encore dérobés de toute reconnaissance au profit de la science occidentale qui jouit du mérite.

L’industrie pharmaceutique est le meilleur exemple : tous les Aborigènes du monde à la source d’une majorité des savoirs botaniques ancestraux qui sont utilisés dans les médicaments modernes, croyez-vous qu’ils touchent la moindre « cenne »? LOL. #dreamon

La question qui vous démange est sans doute celle-ci : comment est-il possible d’encourager ce mouvement ou d’y prendre part activement? Consommer de l’information sous la licence de publication Creative Commons est un bon début. Ou mieux encore, en publiant sous cette licence.

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Sous cette enseigne, le « tous droits réservés », mieux connu sous le terme copyright prend le bord. Ça fait peur. Mais c’est un don énorme à l’humanité, à la justice cognitive.

Comme étudiant, comme salarié, comme humain, on nous fout la chienne avec l’idée de plagiat.

Et si, à ce propos, on rectifiait le tir avec cette saisissante citation?

« Le plagiat est la base de toutes les littératures, excepté de la première, qui d’ailleurs est inconnue. » (Siegfried, acte I, scène 2)

Tout ce qu’on sait vient de quelque part, est influencé par différentes entités existantes qui forgent notre pensée. Alors pourquoi nous acharnons-nous à nous individualiser? À s’approprier le mérite pour des savoirs qui transcendent l’ensemble de l’humanité?

Ben oui, la réponse est encore et toujours l’argent avec un grand A.

Vous savez, si je publie un livre au potentiel New York Times Best Seller demain matin, je vais quand même hésiter à le publier en libre accès sous la licence CC. Hypocrite de ma part, direz-vous, après tout ce que je viens de vous raconter. Pas facile de laisser aller une opportunité monétaire au détriment du bien commun. Pas facile de penser au greater good de l’humanité quand on a peine à arrondir ses fins de mois. Le cadre normatif qui nous tient sur nos gardes quant au plagiat et aux sanctions du système nous colle à la peau… et on ne peut pas se blâmer.

Mais quand on se couche le soir, permettons-nous quand même d’envisager un savoir ouvert, libre de droits pour tous, un basculement de paradigme où la science est portée par le vent, pas par un gros signe de « piasse ».

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