J’ai toujours marché droit.
J’ai toujours regardé droit devant moi.
J’ai toujours parlé fort.
J’ai toujours su où je m’en allais.
J’ai toujours été différente des autres.
J’ai toujours été fière de cette différence.
J’ai toujours eu confiance en moi.
C’est facile faire semblant.
Vu de l’extérieur, c’est facile de dire que j’ai de la drive.
Parce que mes yeux sont parfaitement maquillés et que mes cheveux sont parfaitement lissés.
Parce que si tu ne peux pas le voir, ça n’existe pas.
Parce qu’une personne ne peut pas souffrir à moins qu’elle vienne de perdre un être cher ou que son sang coule de partout.
Parfois, les démons que l’on ne peut voir sont les plus féroces.
Donc j’ai appris à sourire.
J’ai appris à être forte.
Parce que, regardons les choses en face, personne n’aime parler de ces choses-là.
J’ai un trouble anxieux.
Chaque information circule à l’intérieur de moi comme une bombe à retardement.
Comme si chacune de mes veines menaçait d’exploser à tout moment.
Je ressens les battements de mon cœur à chaque extrémité de mon corps.
Mes chevilles, mes poignets, mon cou, mes oreilles.
Ma respiration devient lourde jusqu’à s’arrêter.
Je ne respire plus.
Je fais une crise cardiaque.
Je n’entends plus tes paroles.
Je ne vois plus tes lèvres remuer.
Tout ce que j’entends, c’est les battements de mon cœur et le solo de batterie qui résonne dans ma tête.
C’est comme un bourdonnement d’abeilles en continu dans mes oreilles.
J’ai mal.
J’ai peur.
Est-ce que je vais mourir?
Et puis tout redevient calme.
Le solo de batterie cesse.
Le bourdonnement d’abeilles s’atténue.
Les battements de mon cœur reprennent leur rythme.
Je vois tes lèvres remuer.
J’entends les paroles qui sortent de ta bouche.
Puis on poursuit notre chemin, en s’esclaffant comme chaque matin.
Je viens de survivre à ma première crise de panique de la journée.
Et toi ? Toi tu n’as rien vu.
Mon sourire est toujours là.
Mes joues sont toujours roses, mes yeux parfaitement maquillés et mes cheveux parfaitement lissés.
Ça marche de faire semblant.
Il y a des journées plus faciles que d’autres.
Il y a des journées où tu ne peux même pas sortir de ta chambre, car tu as l’impression que tout le monde te veut du mal.
Il y a des journées où tu ne manges pas, car tu n’as juste pas faim et que tu as peur de t’empoisonner.
Il y a des journées où tu manges tout ce qui traîne dans ton frigo.
Il y a des journées où tu brûles comme du feu.
Bouillante de colère, de tristesse, de peur et d’incompréhension à l’intérieur.
Alors je me mets à jouer avec mon élastique autour de mon poignet ou avec ma bague autour de mon doigt.
Je ne me rends même pas compte que je pince mes lèvres ou craque mes doigts.
Parce que mes mains sont moites.
Parce que je suis sur le point d’exploser.
J’évite les contacts visuels.
Pas parce que je n’écoute plus ce que tu me dis.
Parce que je suis en train d’écouter le son de ma propre voix.
Qui est deux fois trop forte et deux fois trop aiguë.
Et qui est sur le point de casser.
Parfois, j’ai l’impression de courir comme ces personnages de dessins animés qui se font poursuivre par des méchants.
Courir pour survivre.
Tout ceci se passe si vite que j’ai l’impression d’avancer plus vite que les secondes dans une minute.
Quelquefois, on veut trouver le problème.
C’est comme une journée à l’école quand on ne réussit pas à trouver la solution à notre problème mathématique.
Il n’y a aucun problème.
Je ne suis pas en train de faire une crise cardiaque.
Mes mains ne sont pas moites.
Et les battements de mon cœur sont normaux.
Il n’y a pas de problème, rien de tout ça n’existe.
Ce n’est que dans ma tête.
Parce qu’on ne peut pas le voir.
On parle d’émotions.
Ce n’est que dans ma tête.
Parce que je n’ai pas pris mes médicaments aujourd’hui.
Ce n’est que dans ma tête.
Tu ne le vois pas donc ça n’existe pas.
J’ai un trouble anxieux.
Par Camille Lafontaine (POP-UP)
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