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Le droit de se défendre

En 2013, j’habitais à Paris, et ça m’est arrivé quelques fois de me sentir mal à l’aise dans le métro. Des hommes s’asseyaient en face de moi, me fixaient, me faisaient la conversation même si j’avais pas du tout l’air intéressée… Pis un jour, un ado qui sortait de la même station que moi avec son ami, m’a agrippée la croupe, pour ne pas dire l’entrejambe, pendant que je montais l’escalier devant eux.

Mon premier réflexe, ça a vraiment été d’le frapper. J’en revenais juste pas que ça soit arrivé. C’tait insultant et franchement dégradant. J’me souviens plus trop de ce que je lui ai dit à ce moment-là, j’ai dû l’envoyer chier avec des patois qui lui étaient inconnus, mais dont y devait comprendre l’intention pareil. Finalement je l’ai poussé, pis y’a dit : « Me touche pas! ». À ce moment-là, je dois avouer que j’ai vraiment eu le questionnement de la nécessité de la violence. J’avais vraiment envie de lui faire regretter ses paroles aberrantes, t’sais, « me touche pas », après m’être fait mettre la main dans l’cul, ça sonnait vraiment mal. C’était beaucoup trop absurde…

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Je sais me battre. J’ai longtemps été judoka, je suis assez sportive puis je suis grande et forte. J’aurais certainement pu lui faire peur, mal. Mais j’ai juste pris une grande respiration pis je suis partie. Après ça, j’ai culpabilisé parce que je me disais que j’aurais dû crier assez fort pour attirer l’attention, que j’aurais pu appeler la police… J’ai juste été paralysée parce que j’en revenais pas encore.

Peu de temps après, je suis tombée sur la statistique alarmante qui disait que 100 % des Parisiennes ont déjà été agressées dans le métro[1]. Elles peuvent avoir été sifflées, jugées à cause de la longueur de leur jupe, ou agressées à différents niveaux. C’est juste inconcevable, on se dit, mais non, ça arrive. La bédéiste Diggle a d’ailleurs médiatisé la problématique en l’illustrant sur son blogue afin d’en faire un enjeu de société. Bien vite, sa BD a été partagée 600 000 fois[2]. Comme quoi il faut se donner la permission de parler.

Aujourd’hui j’habite à Montréal, je prends pas vraiment le métro, mais ça m’est arrivé souvent d’me faire suivre en vélo (faut le faire) par un vieux maudit dans Villeray. Toujours le même. Je sais jamais particulièrement quoi répondre. Je suis souvent très bête, voire malpolie. Mais est-ce qu’on appelle vraiment ça de l’impolitesse? J’suis pas obligée de parler à des gens à qui ça ne me tente pas. Je peux dire que j’suis pas intéressée, autant que je peux dire à un homme qui m’dit que j’serais plus cute si j’souriais plus que c’est ben juste de mes affaires c’que je fais de ma face. « Regardez ailleurs monsieur, si vous êtes pas content. »

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C’est au même titre que les collants/tannants dans les bars qui comprennent pas que si tu fuis leur regard ça veut pas dire « Paye moi un drink ». Faut toujours se sentir libre de refuser. Ça se fait, même si ça passe pour impoli. Sache que t’as le droit de pas vouloir.

J’ai fini par me donner le droit de les envoyer promener, mais j’sais que bon nombre de filles restent paralysées comme je l’ai été la première fois. Faut vraiment en parler et pas s’en laisser imposer. Surtout, si vous avez connaissance du malaise d’une fille à côté de vous, demandez-lui si tout va bien. Le tumblr Projet Crocodiles, Histoires de harcèlement et de sexisme ordinaire, est vraiment une source de solutions intéressantes pour contrer le harcèlement.

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T’sais des fois ça peut arriver que tu te demandes si quelqu’un fait exprès de t’écœurer ou si c’est juste dans ta tête. Moi je te le dis, si tu te sens mal à l’aise, tu peux juste le dire. Déjà si c’est juste un malentendu, ça sera pas très grave, peut-être juste awkward. Pis si jamais c’était prémédité, que la personne voulait vraiment t’intimider, alors là c’est le moment de lui dire que c’est irrespectueux et con. Mais je sais que c’est pas toujours aussi simple de parler. Si jamais ça t’arrive, dis-toi que la force est avec toi!

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Source photo de couverture

[1] http://www.20minutes.fr/societe/1587751-20150416-harcelement-transports-100-femmes-deja-victimes

[2] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1210204-ma-bd-anti-harcelement-de-rue-sur-diglee-com-600-000-partages-la-preuve-qu-il-faut-agir.html

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