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J'ai vu que l'amour a un âge

Un couple, c’est beau.

Non, je rectifie.

L’amour d’un couple, c’est beau. Le visible et l’invisible.

Un couple qui s’aime et qui se le démontre (sauf ceux qui nous font dire « Rent a room! »), c’est encore plus beau.

Un couple qui s’aime, qui se le démontre et qui en plus est composé de deux personnes ayant minimum 80 ans chacun, c’est plus beau qu’encore plus.

Beau comme un quadrillé sur un filet mignon, pis mignons comme ils étaient ce midi-là, moi ça me prend drette au cœur.

À vous, le p’tit couple qui marchait devant moi côte-à-côte sur la rue St-Joseph.

Je vous ai vu, n’ai pas porté plus d’attention qu’il ne le faut jusqu’ici, mais j’aimerais vous dire ceci.

Vous, Monsieur qui teniez VOTRE femme par la taille en la tapotant tendrement aux douanes des reins et des fesses, avec votre autre main frêle sur son avant-bras qui l’était tout autant, sans vouloir vous vexer, je vous dirais que, déjà de marcher en ligne droite sans inattention aucune vous semblait difficile, vous préfériez quand même la toucher elle quitte à chambranler, j’y ai reconnu la fierté d’un homme.

Et vous, Madame qui teniez l’autre main de VOTRE homme sur votre avant-bras, celui qui retenait déjà votre bourse fortement. Bien coiffée, bien vêtue, vous dégagiez la fierté. Je vous lève mon chapeau bien haut.

Elle était sa « bonne femme » et lui était son « bonhomme ».

Je vous ai dépassés sans même accélérer car je marche déjà d’un pas assez rapide.

Heureusement pour moi, le feu rouge qui m’attendait et la lumière de piétons qui tardait à s’allumer font que vous m’avez rattrapé.

Je me suis retourné vers vous à votre arrivée dans mon angle mort, et soudainement, y a eu un microclimat instantané. J’ai senti au même moment que le soleil illuminait d’une façon encore plus intense la rue St-Joseph en plein jour. Non, pas la rue entière. Le coin de rue où nous étions. Juste le coin de rue. Juste où vous vous trouviez. Le reste s’est assombri. Vous étiez mon centre d’attraction. Mon programme principal.

C’était sur ce coin qui semblait déjà préétabli que vous alliez vous quitter. Votre route se séparait ici. Madame allait dans une direction et Monsieur continuait son chemin.

C’est le mot « quitter », justement, qui a illuminé le coin, la rue, ma face, ma vie.

Vous vous êtes embrassés. Peut-être maladroitement. Mais, la façon, on s’en fout quand le geste est senti et sincère. Et croyez-moi, il l’était, et ce, réciproquement.

Maintenant face-à-face, ces jolies personnes se sont avancées seulement le haut du corps, les lèvres sorties tel un hippocampe, les pieds encore bien ancrés au sol, et le contact s’est fait. C’était cute. D’une « cutitude » à faire passer une portée de bébés chiots deuxième.

Les yeux fermés, elle lui a embrassé les trous de nez en lui flattant l’épaule beaucoup trop haute pour ce que son bras pouvait le lui permettre. Lui? Le menton.

Maladroitement, que je vous disais?

Renverser son verre de lait sur la table, c’est maladroit.

Appeler la blonde de son fils Catherine alors que son nom c’est Annie, c’est maladroit.

(Surtout quand Catherine, c’était son ex.)

Ça ici? C’est pas maladroit.

Elle s’en est allée de son côté. Il l’a regardée partir en se tournant la tête plusieurs fois sans compter et sans orgueil, comme s’il ne la reverrait jamais plus, semblant vouloir lui dire de revenir.

Vous étiez beaux. Vous vous aimez peut-être encore ou peut-être déjà, mais peu importe, vous vous aimez. C’était aveuglément palpable dans le regard, dans les micro-gestes.

Il a continué sa route, traversant la rue au rythme d’un pas chambranlant d’un homme de son âge, les mains bien enfouies au fond de ses poches et ne sachant probablement plus où les mettre alors que sa douce ne marchait plus à ses côtés. La regardant à nouveau une dernière fois, mais en vain car elle n’y était déjà plus.

Je le sais, car j’ai également détourné la tête chaque fois, me rappelant l’adage que l’amour n’a pas d’âge.

Cette fois-ci, elle en avait un; le vôtre, joli couple amoureux. Amoureux du regard. Amoureux du simple geste. Geste simple que tu ne fais que lorsque ça compte vraiment. Le visible comme l’invisible. C’est une sensation, l’amour. L’amour, ici bien présent, était d’or.

D’or comme l’âge qui vous représente si bien.

Par Patrick Laperrière

Crédit photo de couverture: Wanda Martin

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