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T’es mon calme

J’étais dans la tempête. Je n’voyais plus où j’allais. J’ai mis le pied sur le frein, allumé les quatre flashs et je me suis rangée sur l’accotement. J’ai décidé d’attendre, de reprendre mon souffle, de retrouver mon chemin, que la tempête se calme. Je n’avais pas besoin qu’elle cesse ; seulement d’un redoux.

Je ne t’ai même pas vu arriver, mais, à ton tour, tu t’es rangée sur l’accotement. T’es descendue de ton auto et tu m’as demandé si j’allais.

« Non, ça ne va pas. »

J’ai été honnête avec toi. J’étais à mon plus vulnérable. Rien à perdre. Tu m’as tassée pour prendre le volant. Ce n’était pas méchant, ni contrôlant. Tu voulais juste me laisser me reprendre en main, me reposer, me réinventer.

Au moment où on a décollé, tu es entrée dans ma vie. Tu n’as pas demandé que j’éteigne la musique. Tu n’as pas chialé sur le chauffage qui devait être beaucoup trop élevé, parce que mon corps se mourrait, parce que mon cœur était froid, parce que le seul moyen que j’avais de le réchauffer se trouvait dans une bouteille.

Arrivées chez nous, tu n’as pas enlevé tes bottes. T’as ouvert le frigo, tu nous as fait à souper. Tu nous as débouché une bière. Je te regardais un peu incrédule. Je n’comprenais pas trop c’que tu faisais là, pourquoi j’t’avais laissée venir jusqu’ici, faire c’que tu faisais, mais j’allais mieux. J’avais confiance en quelqu’un pis peut-être un peu plus en moi, finalement. En tout cas, pour la première fois depuis un moment, quelqu’un posait un regard différent sur moi. Ce n’était pas la pitié : c’était de la compassion, de l’espoir. C’était de la force pour deux, pour les nuits où j’en aurais besoin, les nuits où la douleur serait palpable jusque dans ma présence.

Les saisons ont passé et passent toujours. On a décidé de se bâtir un petit cocon, un endroit où il fait bon vivre. Un endroit où la tempête n’a pas le droit d’entrer, où elle fait cogner les portes à grand coups de vent, où les fenêtres sont givrées de frimas, où l’eau menace d’inonder les fondations à tout moment. La tempête s’essaie encore, mais elle commence à s’épuiser. Ça se sent : elle frappe moins souvent, elle frappe moins puissamment.

T’es là, dans cette tempête de merde, alors que beaucoup ne le sont pas. T’es là, alors que tu n’as rien promis, que je ne t’ai rien demandé. T’es là, alors que tu n’as rien à gagner.

De mon côté, j’ai envie de dire : « Va te faire foutre, la tempête! Tu n’auras pas eu ma peau et tu ne l’auras jamais. Maintenant, je vois clair, même à travers tes grandes simagrées. Je n’ai plus peur, je n’ai plus froid et je n’ai plus besoin de me réchauffer. »

T’es à côté de moi.

J’ai repris le volant.

Je roule la fenêtre baissée.

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