Le passé reste au passé et le temps n’avance que dans un sens. Moi, j’ai pas passé de A à Z, j’ai fait le contraire. Ma vie a déroulé ben trop vite, je suis devenue une adulte, malgré moi, alors que je ne savais même pas ce que ça voulait dire être une adulte, et je t’avoue que je ne le sais pas plus aujourd’hui…
Je croule sous les responsabilités, entre mon rôle de mère, d’étudiante, d’employée. Bref, du haut de mes 24 ans, je regarde le monde et je me trouve vieille pour l’âge que j’ai. Je ne vis pas la même vie que ceux de mon âge. Moi, les soirs, je reste chez moi en regardant les films de série B à TVA, je ne sais plus c’est quoi « sortir ». Je ne suis pas tendance, je n’utilise pas le même vocabulaire que mes collègues dans la vingtaine.
C’est dur d’établir des relations dans ces circonstances, c’est pas toujours facile de se comprendre dans nos modes de vie absolument différents. Je ne me sens pas à ma place avec les jeunes et, quand je suis avec les adultes, je ne me sens pas à ma place non plus. Je suis dans une zone grise, qui fit ni avec les âges ni avec les modes de vie. Je l’aime ma vie, ce n’est pas ça que je te dis. J’ai le bonheur d’avoir un mari et une fille, qui me donnent une famille amoureuse et heureuse.
Je te dis que je rush à « fitter » avec le monde.
T’sais, je suis une maman un peu trop funky et excentrique pour vraiment me sentir à l’aise avec les autres parents qui ont une vie clairement plus rangée que la mienne. Et quand je suis avec des jeunes, j’ai de la misère à « dealer » avec la liberté et le besoin de se regarder le nombril parce que je n’ai jamais pu vivre ça. Parce que j’ai eu ma fille à 20 ans. T’sais, l’âge que tu pars sur une go, avec tes amis, dans une décapotable empruntée à ton père. Que tu dors dedans, dans une ville dont tu te rappelles pas le nom, ou que tu pars avec ton sac à dos et que tu vas découvrir le monde. Ou encore, que tu connais le nom de tous les barmans de la Grande-Allée, ou que tu te fous de tout, sans penser que demain matin existe. Ben toutes ces belles choses, toute cette naïveté-là, je n’ai pas pu la vivre. Je ne pourrai jamais non plus. C’est un deuil que je n’ai pas encore terminé.
On dirait que je suis jalouse des gens qui ont eu la vie plus facile que moi. Pendant que certains sont allés découvrir la vie et se découvrir eux-mêmes, j’ai allaitée, j’ai fait deux dépressions, pis j’ai perdu mon père. Je vais te dire que ça te saisit la vie un peu pas mal, t’as pu le choix de la voir différemment.
C’est ben ça mon problème, je la vois trop différemment de tout le monde la vie. Mais je me dis qu’un jour certain, je vais trouver un équilibre, que j’aurai la vie d’une fille de 30 ans rendue à 30 ans. En attendant, je me plie parfois les jambes pour rentrer dans le moule…
C’est ça vieillir trop vite pis trop jeune. Ça pousse tout croche.