Je me suis toujours considérée plutôt chanceuse étant donné que je n’ai jamais vraiment eu à vivre de grosse peine d’amour. Depuis le jour où j’ai mis les pieds dans le monde des relations, j’ai presque toujours été celle qui laissait l’autre, plutôt que d’être celle qui se faisait laisser. Ce qui fait que je n’ai jamais vraiment eu à dealer avec mon cœur en miette sur le plancher de la cuisine accompagnée d’un pot de crème glacée pis mes larmes qui me dégoulinent sur les joues. Jusqu’au jour où, sans trop de signes précurseurs, ma meilleure amie me lance qu’on ferait mieux d’arrêter de se voir. Sans jamais me prévenir, ma meilleure amie était en train de « casser » avec moi, comme ça, un beau jour de janvier.
Exactement comme les vieux couples qui explosent pour un rien parce qu’il y avait là une trop grande accumulation de non-dits et de mauvaise communication, notre vieille amitié a explosé. Du jour au lendemain, une amitié de 16 ans s’écroulait. Imagine rompre avec ton chum ou ta blonde de plusieurs années. Même histoire. Même struggle. Même peine.
En lisant ces lignes, elle ne me croirait peut-être pas. Je veux dire, j’avais l’air de bien dealer avec tout ça. Je partais bientôt pour une durée indéterminée de l’autre côté de l’océan. Pourquoi m’en faire alors? La vérité, c’est que j’ai finalement compris comment ça fait mal une peine d’amour. J’ai finalement compris tout le vide en dedans, le sentiment d’impuissance, d’être déboussoler, le trou en plein cœur qui semble impossible à refermer après que la personne la plus importante pour toi, t’annonce que c’est la fin d’une longue amitié. J’ai tout compris et je ne souhaite à personne d’avoir à vivre ce sentiment horrible.
Pendant que j’étais partie, loin de tout ça, j’ai repensé quelques fois aux raisons qu’elle m’avait données pour mettre fin à notre amitié. Selon elle, nous étions trop différentes. Ce qui n’est pas faux, mais comme dans un couple, n’est-ce pas la différence qui fait grandir? Comme quoi le voyage ça nous ouvre sur le monde, mais ça nous ouvre aussi sur nous-même, j’ai réalisé qu’elle n’avait peut-être pas tort sur le fait que j’étais en fuite. En fait, à la minute où j’ai acheté mon billet, j’étais en fuite, oui. Par contre, si elle m’avait vue à l’aéroport le matin du départ, le visage en larmes et le cœur en nœuds par l’angoisse, mais fonçant tout de même vers la porte d’embarquement, elle aurait compris que le sentiment de fuite n’avait duré que l’instant de l’achat de mon billet. J’ai toutefois su reconnaître et prendre un peu plus conscience de ce qu’elle essayait de me dire lorsqu’elle faisait allusion au mot fuite.
Mais je n’étais pas en fuite, j’étais à la poursuite d’un désir et d’un besoin qui commençaient de plus en plus à m’accaparer et m’empêcher de vivre si je ne les réalisais pas sur le champ.
Loin de tout, j’ai aussi été en mesure de comprendre qu’elle s’inquiétait pour moi après tout. Peut-être ne savait-elle pas comment me le faire comprendre gentiment? Mais quelques fois, je me trouvais pourtant naïve de croire qu’elle ne faisait que s’inquiéter. Elle avait foutu en l’air mon cœur, ma confiance et tout ce qui vient avec, et je trouvais encore le moyen de lui pardonner. J’étais peut-être trop fine. Plusieurs personnes me disaient que parfois, certaines amitiés ne sont pas faites pour durer. J’ai fini par m’y faire, mais je continuais toujours à m’accrocher au fait qu’elle allait bien finir par rencontrer un mur, car je trouvais impossible, selon moi, d’être bouchée à ce point. La peur et l’inquiétude cachent communément bien des choses et peuvent être exprimées de drôles de manières. Un soupçon d’incompréhension et de méconnaissance des faits se retrouve souvent derrière le sentiment de peur.
En comprenant tout cela, j’ai réalisé que je ne pouvais pas la ramener de force à moi. Étant donné nos façons de voir la vie si différemment, je ne pouvais, en aucun cas, forcer les choses et c’est avec cette réalisation que j’ai finalement été capable de faire mon deuil de cette amitié-là et d’accepter que le temps, ça peut être long des fois.
C’est presqu’un an plus tard que les mots « on devrait prendre plus de nos nouvelles » ont finalement été dits et pensés des deux côtés. Et j’ai compris une fois de plus, que le temps c’est long des fois, mais c’est payant.