Toi et moi, on a toujours agi comme si on était des summer lovers. Le genre de relation magique qui apparaît quand l’air est chaud et irréel, le genre de relation toujours on the edge qui produit mille étincelles à l’heure, mais qui peut foutre le brasier sans prévenir.
Un amour de quelques mois, trop intense pour une année entière, qui survit seulement si la vraie vie est absente du décor. Et qui s’évapore quand les feuilles se teintent d’automne. Le genre de conte de fées qu’aucune autre saison ne pourrait faire naître, parce que c’est l’été qu’on se donne le droit de rêver et d’oublier.
Tu m’as donné la chance de me perdre dans tes promesses pendant trois ans. Trois beaux étés. On s’est eus, mais jamais complètement. Je sais pas si tu pensais à tes autres filles, je sais pas s’il y avait d’autres filles. Mais je sais que nos corps ont fusionné, toujours avec trop de fougue, presque de la rage de ton côté. On n’a jamais eu le temps pour la douceur, parce qu’on avait toujours cette crainte qui planait sous les draps, cette lourdeur de s’être perdus si souvent. On n’a même jamais dormi ensemble, des fois que le lendemain on se réveillerait et que tout aurait changé, que notre summer love se serait enfui pendant qu’on avait les yeux fermés.
Les étés m’ont pas donné assez de temps pour te flatter les couettes, pour te dire comme j’te trouvais cave, mais tellement beau. Mon regard était toujours trop loin, jamais réellement avec toi. J’t’embrassais toujours sur le bout des lèvres. J’te collais, mais je gardais mes doigts insensibles.
J’arrivais jamais à te regarder plus que trente secondes dans les yeux, parce que j’avais la chienne quand j’me rappelais que chaque soirée passée avec toi me rapprochait du mois de septembre. Que bientôt, nous deux, ça serait trop beau pour les autres saisons. Qu’on allait devoir se contenter de ce qu’il reste de nos étés.
J’voulais pas t’étreindre, même si tes lèvres goûtent le ciel, même si tes yeux me bercent jusqu’à un autre monde, même si tu me donnes mal aux joues tellement tu me fais sourire. C’était trop intense pour moi, t’étais trop beau, trop parfait. J’tais sur mes gardes, sur la défensive, prête à me replier si les arbres perdaient leurs feuilles hâtivement.
Et voilà que cette année, on n’en a pas eu d’été. On n’a pas « restocké » notre cœur de souvenirs, on s’est contentés de rêver aux étés passés.
Cet été, le soleil y’a oublié le Québec, pis y’a laisser tomber tous les summer loves. So, toi et moi, on s’est oubliés, un été complet. On a « pris pour acquis » que l’autre devait être occupé à vivre sa vraie vie et avait pas le temps pour la magie.
Cet été, sans toi, j’avais rien à créer, pas de souvenirs à espérer. Alors j’suis restée enfermée dans ma chambre, à écouter la pluie et à me laisser flatter les cheveux par le vent, puisque toi t’étais pas là pour le faire. J’ai passé l’été à vouloir t’oublier, en me disant que tu voudrais pas de moi, que moi j’étais juste un amour d’été qu’on pouvait pas trimbaler d’une saison à l’autre de même.
J’ai réfléchi, j’ai perdu tout l’été pour mieux réfléchir… et j’en tire quelques leçons que j’te donne ici, jeune fille qui croit au summer love. Pour que plus jamais tu ne perdes un été à éviter le gars que tu aimes.
Leçon 1
Non, tu comprendras jamais votre amour. Tu pourras jamais expliquer le trop-plein de bouillonnements que tu ressens courir de ton ventre à tes joues quand tu le vois, mais c’est pas grave.
Non, tu comprendras jamais comment c’est humainement possible d’aimer quelqu’un à ce point. Mais rappelle-toi que si tu sais précisément pourquoi tu aimes quelqu’un, c’est peut-être que tu ne l’aimes pas comme tu devrais.
Ton summer love, t’es tombée en amour avec lui un soir d’été, dans un bar où il y avait trop de musique, trop d’alcool, trop de gens. Tu portais une robe trop courte et sûrement du maquillage qui te coulait sous les yeux parce que la jeunesse te donnait chaud. Tu voyais flou, mais quand tu l’as aperçu à travers tout ce peuple de jeunes en chaleur, tout est devenu clair. Ça tournait, faisait chaud, tu croyais pas vraiment en rien à part ta Smirnoff Light pis ton taxi pour revenir chez toi. Mais, lui, tu le voulais déjà, sans le connaître. Tu voyais même pas ses yeux sous son hoodie, juste ses lèvres, et pourtant tu les voulais déjà.
C’était LUI, et ça a toujours été lui depuis ce soir-là.
Leçon 2
Rappelle-toi que malgré toutes les autres saisons qui vous séparent chaque année, c’est à votre summer love que vous revenez chaque mois de juin, fidèles à votre amour irréel.
Parce que votre summer love est unique. Votre summer love, y’est pas « comprenable ». T’as eu tes histoires avec d’autres gars, y’a eu ses nuits avec d’autres filles. Pourtant, chaque fois que tu le revois, tu retombes dans le piège.
C’est pas parce que tu comprends pas votre amour que tu dois l’éviter. L’ambiguïté c’est beau, votre amour est spécial, faut pas le gâcher par la normalité, le quotidien. Mais faut pas l’anéantir en passant des mois cachée dans ta chambre à espérer un jour être assez bien pour devenir plus qu’un amour d’été.
Leçon 3
Tu penseras toujours à lui. Toi qui connais rien aux chars, tu te demanderas toujours si c’est sa voiture noire que tu viens de voir devant chez toi, tu auras toujours envie de demander à ses amis comment il va, tu auras toujours une place pour lui dans ton lit simple minuscule, tu écriras toujours et encore sur lui.
Il restera toujours celui à qui tu penses le matin en te réveillant. Tu te souviendras toujours de la première fois où vous vous êtes parlé. Tu seras toujours fâchée contre l’univers entier pour avoir eu le coup de foudre, toi qui croyais pas à ces shits-là.
Peu importe les étés qui passent, ton seul espoir sera toujours que l’été prochain, tout redeviendra comme avant, comme ces premiers étés où vous étiez jeunes et où il faisait beau tous les jours. Tu espéreras toujours ressortir tes robes trop courtes et ta musique trop pop pour danser avec lui et humer son cou qui goûte le mois de juillet, une dernière fois avant que l’automne ne te l’enlève.
Il t’a volé tes derniers étés, et tu pourras jamais assez le remercier.
Jamais tu auras assez d’étés pour l’aimer, parce que c’te summer love là, tu pourrais l’aimer jusqu’à en mourir. Parce que de toute façon, sois honnête, les autres saisons t’ont jamais intéressée.