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Les gens heureux n'ont pas d'histoire

Les histoires qu’on lit, enfant, commencent par « Il était une fois » et se terminent par « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».

Enfant, on lit le livre au complet et pendant des pages et des pages, les héros traversent toutes les épreuves, risquent leur vie et tous les périls pour en arriver à ça : « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».

Enfant, on te raconte pendant des pages et des pages ce petit bout d’histoire plein d’aventures avant de résumer les 25 années suivantes par cette phrase-là.

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

* * *

Quand j’ai dit à Cédric que j’allais écrire sur lui la semaine dernière, il m’a demandé ce que je pourrais bien écrire sur lui.

Cédric, lui aussi, pense que le monde heureux n’a pas d’histoire.

* * *

Cédric est entré de même, par la grande porte de l’auditorium de nos vies, un soir de répétition. Un acteur s’était désisté par manque de temps. Et lui, il était disponible, de même.

Je sais plus ce que j’ai pensé de lui, au départ. Sans doute que j’étais trop étrange pour faire partie de son monde. Il avait une blonde, une maison, une job steady. Il possédait ce que je souhaitais pour ma vie à moi – l’écart était immense.

Et même encore aujourd’hui, quand j’essaie de me replonger dans nos débuts, il n’y a qu’un flou. Il était là, en même temps que moi, aux mêmes répétitions. Il avait un sac de boxe, un talent certain pour le théâtre, une moto. De quoi m’impressionner. Et donc, par définition, de quoi me tenir loin de lui.

Et même si le reste est flou, je me souviens de la suite. Ces suites de journées où il a commencé à me marquer par chacune de ses présences.

* * *

J’ai rencontré la blonde de Cédric – salut Sara!

Quand j’ai demandé à Cédric comment ils s’étaient rencontrés, il m’a raconté ça, de même, sur le bord de la table, sans aucun « Il était une fois ». Ils étaient en couple tous les deux, puis ils sont devenus célibataires. Il l’a contactée via Facebook, puis il l’a invitée à sortir. Depuis deux ans, ils sont ensemble, heureux et amoureux.

Moi — Deux ans? Me semble c’est rapide.

Ça m’a étonnée et ça m’a fait peur.

Moi — Me semble y’a personne de notre âge qui reste en couple deux ans.

Lui — Ben quand ça vient, y’a pas de raisons.

Ça c’est vrai, quand ça va bien, y’a pas de raisons d’être malheureux.

* * *

Sans doute qu’à partir du moment où les enfants qui lisaient des histoires avant de se coucher vont au lit pour coucher et faire des enfants, il n’y a plus de morale qui tienne.

« Et eurent beaucoup d’enfants ». Point final.

Comme les personnages dans leurs livres, ils ne peuvent plus être heureux.

* * *

C’était un soir, après nos étirements. On était toute l’équipe en cercle, et il nous a annoncé que lui et sa blonde – salut Sara! – attendaient un bébé.

Je trouvais que c’était dans l’ordre des choses qu’un gars comme lui, un bon gars, attende un enfant avec sa blonde. Il fera un bon papa, c’est ce que je me suis dit.

* * *

C’est la morale de ces histoires-là.

On vit dans la crainte du malheur qu’on perçoit chez les autres. On envie ceux que l’on voit devenir heureux en se disant qu’on veut tellement être comme eux.

Non, jamais. Pas comme les autres, les méchants-malheureux.

* * *

Moi — Heille, attends que je le dise à ta blonde.

On parlait de marionnettes géantes et de possibles attouchements.

Cédric — Non, ne va pas lui dire.

Moi — T’assumes moins, hein? Y’est trop tard pour avoir honte. Parce que quand je vais lui vendre un soutien-gorge d’allaitement dans quelques mois, je vais tout lui déballer.

Cédric — On a perdu le bébé la semaine passée.

Il n’a laissé aucun temps mort. Il a enchaîné, comme ça, du tac au tac. Et dans le souffle que j’ai manqué, j’ai commencé à rire.

J’ai éclaté de rire, en fait, devant la bombe qui venait d’être lancée entre nous deux.

Alors que Cédric expliquait la dernière échographie, le médicament et la perte du bébé, comment sa blonde n’a pas trouvé ça facile.

Moi — Scuse-moi de rire. C’est tellement malaisant. J’ai ben trop honte.

Cédric — C’est correct, tu sais, ça devait juste pas être le bon temps pour nous.

Et il a souri à son tour. Je suis sortie dans le couloir prendre une tasse de café en me demandant comment il pouvait sourire.

Je veux dire, sourire malgré tout.

« C’est correct », qu’il a dit.

Sourire, comme si c’était normal.

* * *

J’imagine que, dans vie, tu as soit le talent de raconter les histoires, soit celui de les vivre.

Cédric, il ne raconte pas les histoires. Il est dedans, dans ces quelques pages qui relatent un petit bout d’histoire en attendant la fin.

Moi, je les raconte sans savoir comment ça va finir.

J’espère qu’à la fin, ils auront beaucoup d’enfants. Du moins, je leur souhaite.

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