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Miroir miroir, dis-moi que ce n’est pas vrai – Par Fay

Qui peut affirmer, dans notre intransigeante culture de la beauté aux imperfections condamnées, qu’il est à 100 % satisfait de son apparence physique? Bien que la plupart d’entre nous pallient quotidiennement avec nos petits défauts physiques sans s’alarmer, certaines personnes quant à elles passent jusqu’à huit heures journalières à scruter une partie mal-aimée de leur corps. Ces personnes souffrent en fait de dysmorphophobie, ou plus connue sous sa dénomination américaine, le Body Dysmorphic Disorder (BDD). Il est estimé que 1 % de la population des États-Unis en est affecté. (i)

Lorsque l’on pense beauté, une litanie de rouges à lèvres, de vernis à ongles ou encore la dernière crème miraculeuse achetée peuvent nous surgir en tête. On peut aussi songer à des stars hollywoodiennes qui se font faire des facials mille fois par semaine et qui n’hésitent pas à passer sous le bistouri ou pire, qui se font injecter du bon vieux botox dès l’âge de 25 ans. Beauté donc parfois mensongère, mais tristement beaucoup trop influente sur la masse de gens normaux et pas riches, qui n’ont pas une esthéticienne ou un chirurgien plastique cachés dans le placard en attente d’une nouvelle mission. Mais le sens large de beauté regroupe des concepts un peu plus complexes et moins superficiels que simplement se comparer à Kim Kardashian (ouf). Je choisis aujourd’hui d’écrire sur un sujet lourd, moins enthousiasmant que des paillettes et des DIY de masques à toutes les sauces. La beauté passe par l’intérieur, les perceptions, l’estime de soi… Elle est soumise à ce regard dur, voire inflexible, que nous jetons tous sévèrement de temps à autre sur une partie maudite ou tabou de notre corps.

Les personnes atteintes de dysmorphophobie le font chaque jour. Incessamment. La spécialiste mondiale de ce trouble, Katharine Phillips, le définit précisément comme suit:

« Les patients présentant un BDD sont intensément préoccupés par un défaut physique imaginaire ou grossièrement exagéré, considérant leur apparence comme dégoûtante, répugnante et honteuse, ce qui va parfois jusqu’à les torturer et les empêcher de penser à autre chose. » (ii)

Bien que la dysmorphophobie se développe habituellement pendant l’adolescence, elle peut aussi apparaître de façon subite, du jour au lendemain. Dans la majorité des cas, la partie cible en est une du visage comme la forme du nez ou des lèvres. Cette partie devient alors une source de tourments catastrophique et obsessionnelle. Un fardeau qui pèse sur les épaules de la personne atteinte, un mépris disproportionné, mais bien réel dans la tête de cette dernière. Les plaintes ne se limitent toutefois pas au visage, elles vont bien plus loin: des cheveux clairsemés aux cicatrices, en passant par l’acné, la rougeur du teint, l’asymétrie des sourcils, la forte pilosité, les veines apparentes, les oreilles, les dents, la mâchoire, le menton, les seins, le pénis, les hanches, la carrure globale du corps, etc. La préoccupation peut s’étendre à plusieurs parties du corps en même temps ou peut se présenter sous une forme plus floue, par exemple avoir le « regard dur » ou encore le visage « tombant ». (iii)

La dysmorphophobie s’apparente un peu à un mélange d’anorexie et de Trouble Obsessif Compulsif (TOC)  parce que ce que la personne voit dans le miroir est déformé, grossièrement exagéré, comme la fille qui pèse 72 lb, mais qui est convaincue que l’image qui lui est renvoyée en est une d’une fille ayant un gabarit de 300 lb. Le caractère obsessif compulsif du trouble s’explique par le fait que souffrir du BDD, c’est être asservi aux pensées négatives toujours présentes dans la tête de l’individu et la nécessité urgente de constamment vérifier la partie concernée dans un miroir. Ces pensées poussent celui-ci à développer une relation de type frennemi avec toutes surfaces réfléchissantes (miroir, vitres, automobiles, bouilloires en stainless, ustensiles, cellulaires…): d’un côté, le miroir représente une source d’espoir. La personne pense: « peut-être que cette fois-ci, quand j’observerai mon nez (ou autre), ça va être correct, pas si pire que ça. »  De l’autre côté, inévitablement, à chaque séance observatoire, le miroir renvoie la même image que la dernière fois. Rien n’a changé, le défaut imaginaire demeure et monopolise un énorme espace mental, laissant le ou la dysmorphobe déprimé et vaincu. Il peut également délaisser les surfaces réfléchissantes de toutes sortes pour un temps, il les évitera donc minutieusement.  Puis il recommencera à inspecter la partie dédaignée dans la glace. Le temps passé à s’observer ne constitue pas le seul symptôme. Le BBD s’accompagne de plusieurs autres comportements obsessifs et répétitifs tels que le camouflage de la partie en question (par le port d’un chapeau, le maquillage, la façon de positionner son corps, les vêtements), la comparaison avec les autres, pratiquer l’activité physique de manière excessive (pour modifier une stature trop frêle par exemple), faire sa toilette immodérément.

Malheureusement, pour plusieurs, la porte de sortie se trouve dans la chirurgie esthétique (qui ne règle pas toujours le problème). Certaines personnes vont même  jusqu’à performer l’autochirurgie…

Les répercussions dans la vie d’un(e) dysmorphobe sont importantes. Étant convaincus que leur(s) imperfection(s) saute aux yeux de toutes les personnes qui les côtoient, ils évitent souvent les situations sociales afin de limiter leur exposition (ainsi se protègent des jugements qu’ils imaginent que les autres posent sur leur apparence présumée dysfonctionnelle). De fil en aiguille, les idées fixes néfastes peuvent engendrer d’autres troubles qui viennent se superposer au BDD: dépression, anxiété, pensées suicidaires/tentatives de suicide, crainte démesurée du rejet (les autres repousseraient assurément le dysmorphobe de par son apparence hideuse), agoraphobie, anorexie mentale… etc. Il est impossible de convaincre un dysmorphobe que la partie de son corps qu’il trouve monstrueuse et difforme est en réalité normale. Il faut comprendre que la certitude inébranlable d’être rendu moche à cause de la partie responsable habite sa tête et n’en sort plus.  Sa fixation ne fait que renforcer sa conviction et perturbe grandement ses rapports sociaux. Dans une certaine mesure, nous savons tous à quel point les pensées négatives que l’on rumine toute une journée peuvent nous gâcher le moral. Plus on se répète quelque chose, plus on y croit.  La dysmorphophobie est un trouble psychologique. Il touche autant les hommes que les femmes. Il est bien réel et pourrit la vie de bien des gens aux prises avec.

Pour s’en sortir, il faut aller chercher de l’aide. La thérapie cognitivo comportementale est recommandée, afin de changer les paterns de pensées. Des antidépresseurs peuvent aussi être joints à la thérapie, mais ça reste à voir avec les professionnels de santé mentale consultés. En guise de conclusion, je tiens à préciser que je ne suis pas psychologue. J’ai seulement essayé de faire une synthèse claire, parce que je considère important que les gens soient informés des troubles psychologiques, surtout ceux dont pas grand monde parle et qui sont parfois jugés comme ridicules. La dysmorphophobie, c’est pas de la foutaise. C’est juste (bien hypothétiquement selon moi) le résultat d’une culture de l’image avec des standards de beauté fuckés et faux: un petit nez c’est mieux qu’un gros, un pénis devrait être aussi gigantesque que ceux dans la porn, le visage devrait être parfaitement symétrique parce que c’est ça qu’on voit au cinéma depuis qu’on est petits. Mais selon les spécialistes du BDD, les principaux facteurs de risque résideraient dans l’abus émotionnel ou sexuel dans l’enfance ou le harcèlement scolaire. Bref, tout ça pour dire que la beauté, c’est d’arriver à atteindre l’acceptation de soi-même dans son intégralité et que oui, c’est normal de « bugger » sur des détails qui nous ébranlent un peu, sur ladite perfection tant prisée, mais la prochaine fois que vous vous apitoyez un peu trop sur la mini bosse sur votre nez ou bien la crochitude de vos orteils, ayez donc une petite pensée pleine d’empathie pour les gens dysmorphobes et passez à un autre appel. À tous les dysmorphobes, il est possible de guérir! Surtout, ne restez pas seuls avec votre mal-être. Des gens qualifiés peuvent vous aider.

Alexe Raymond, réviseure.

(i).http://www.adaa.org/understanding-anxiety/related-illnesses/other-related-conditions/body-dysmorphic-disorder-bdd
(ii).http://pstpe.unblog.fr/category/definition-phobie-sociale-autres-phobies/resume-livre-les-defauts-physiques-imaginaires/
(iii).http://www.forumpsy.net/t487-trouble-peur-d-une-dysmorphie-corporelle-dysmorphophobie-definition-dsm-iv

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