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Je suis allée dans le Vermont – Par Noémie

On est partis sur un road trip, en amoureux.

Hubert, moi et deux cafés glacés italiens.

Avant de partir, on a baissé les bancs arrières de ma petite voiture. On a étendu un gros matelas et deux sleeping bags. Par-dessus, on a mis des coussins et une grosse doudou. Et puis, dans un coin, on a entassé une petite lanterne électrique, des chips, des biscuits, une bouteille d’eau froide et de la réglisse. On a gravé deux CDs qu’on a remplis de Kings Of Leon, David Bowie, Paul Simon, The Monkees, The Smiths, The Strokes. On a dessiné un itinéraire en surligneur jaune sur une carte compliquée, on a descendu les fenêtres au complet, on a fait chin-chin avec nos verres de plastique.

Et j’ai pesé sur le gaz.

« Take me out tonight Where there’s music and there’s people And they’re young and alive Driving in your car I never never want to go home Because I haven’t got one

Anymore

»

Burlington. Où on a fait les fripperies, erré dans une pharmacie, mangé du chocolat, voulu aller au cinéma, crié à cause d’un gigantesque scarabée accroché dans mes cheveux. Et où on n’a pas dormi. À 5h du matin, on était repartis. Deux grand cafés Green Mountain entre les doigts. À la vanille pour moi, très corsé pour lui.

Bristol. Où on est entrés dans le seul café ouvert. On y a commandé des pains dorés et une omellette. Et puis, un tout petit oiseau est entré par la porte du restaurant. Il pouvait plus sortir, trouvait plus le chemin, il fonçait dans les vitres et c’était triste. Hubert a acheté une chocolatine et a fait un long chemin de miettes de pain vers la porte ouverte. L’oiseau est sorti. Hubert m’a donné ce qui restait de la pâtisserie. Je lui ai dit merci, pour nous deux. Après, on est allés s’étendre dans l’arrière de la voiture. On a dormi. Un peu.

Waitsfield. Où on est passés. Et puis c’est tout.

Middlesex. Où on s’est arrêtés à cause du drôle de nom. C’est aussi où on est rentrés dans une fripperie pour y passer 3 heures de notre vie, parce que tout était à 1 ou 2 dollars. On a trouvé du vrai vintage, une chemise purement années 80, une bonne paire de New Balance, des patalons de soie violets et des bottes d’hiver parfaitement de ma pointure.

Waterbury. Où on a visité à moitié un musée de café. Où on s’est étendus dans l’herbe. Où on a fumé un cigare « Café Crème ».

Montpellier. Où on a mangé des pâtes Alfredo, fait les fripperies, où on a réfléchi au sens de la vie. Où on s’est demandés ce qu’on ferait si l’autre mourrait.

Calais. Où on s’est enfoncés dans les bois pendant une bonne heure pour trouver la demeure perdue d’un homme écrivain. Où on a dormi, longtemps cette fois. Avant de se réveiller et de danser sur Sixto Rodriguez et son album Cold Fact. Où on est partis sans faire le lit et sans dire au revoir. Mais en laissant un gros paquet de jujubes en serpents. Parce que c’est plus drôle comme ça.

Barre. Où les indications ont été difficiles à obtenir, problèmes de prononciation. Où on a fait les fripperies, perdu mon téléphone, cherché un bon CD à écouter et choisi Violent Femmes. Où il a plu et où on s’en foutait. Où on a dansé encore et chanté du Chet Baker. Où on a encore bu du café et où on s’est aimés plus fort, faute d’avoir plus rien à faire. Où finalement, on s’est stationnés dans un parking de restaurant, où on a prétendu s’étendre pour faire une sieste, où on a fait autre chose, sur le rythme des grosses gouttes de pluie.

St-Johnsbury. Où on s’est arrêtés pour mettre de l’essence. Où Hubert a renversé un café très chaud sur mes cuisses. Où je me suis fâchée. Jusqu’à ce que je le vois, dans le rétroviseur en train de ne pas comprendre comment mettre l’essence dans ma voiture. Où j’ai pouffé de rire. Où il a ri aussi. Où on a ri trop longtemps, les deux, seuls dans la voiture éteinte, avant de reprendre la route pour les quatre heures qui allaient suivre.

Mon lit.

Où on s’est endormis hier.

Heureux.

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