Peut-être l’ignorez-vous, mais l’usage des cosmétiques remonte bel et bien à la nuit des temps. De l’emploi pratique du khôl à l’Époque de l’Égypte antique (le khôl était en effet utilisé en quantité massive autour des yeux pour protéger ceux-ci du soleil) en passant par les épaisses (et toxiques) couches de céruse (ou carbonate de plomb) appliquées sur le visage afin de le blanchir et ainsi ressembler à la reine Élisabeth 1re, le maquillage a toujours joué un rôle distinct à travers les civilisations des différentes époques. Porté de façon égale aux femmes par les hommes dans la France du 18e, il sert alors à démontrer le rang social occupé. L’aristocratie fardée aux lèvres rouges se distingue des petits prolétaires qui n’ont pas assez de revenus pour se procurer des cosmétiques. S’ensuit l’époque victorienne, celle où les femmes étaient boutonnées jusqu’aux oreilles et pendant laquelle flasher une cheville était un acte disgracieux susceptible de provoquer une érection chez le sexe opposé. Vous comprendrez aisément que le maquillage n’était pas très en vogue, pour ne pas dire complètement mis de côté, voire amoral. Il était d’ailleurs réservé aux prostituées. Les femmes « respectables » utilisaient seulement du jus de citron pour rendre leur peau lumineuse et un peu de poudre. Une makeup routine vraiment excitante. Dès cette ère terminée, soit dans la première décennie du XXe siècle, la céruse est éliminée des composantes et les produits cosmétiques prennent une tangente marquée : le maquillage est présenté sous la forme de soin. Les femmes commencent à militer pour leur indépendance et elles arborent fièrement le rouge à lèvres écarlate. C’est également à cette époque que l’on assiste à la démocratisation du maquillage : il est dorénavant vendu dans les grands magasins et les instituts de beauté voient le jour. Maybelline crée d’ailleurs le premier mascara en 1913.
Mascara Maybelline 1913
Les années folles, ou les années vingt représentent une éclosion splendide du monde des cosmétiques. Cette période, située entre l’après-guerre et le krach boursier de 1929, est synonyme de renouveau et de consommation, recette idéale pour faire fleurir un marché comme celui du maquillage. Les tendances se résument à un teint ivoire, avec un penchant plus naturel qu’auparavant. (Coco Chanel introduira cependant un look hâlé, qui fait plus libertin, décontracté et qui inspire le bon temps passé sous le soleil). Les yeux sont assez lourdement soulignés au khôl et les paupières sont marquées d’ombres épaisses passant du gris aux multiples tons de vert. Seul le rouge vif se porte aux lèvres et il est tracé de façon bien précise : il dépasse un peu la lèvre supérieure et la lèvre inférieure sans toutefois se rendre aux commissures. Le fard à joues est aussi un must. Il se porte exclusivement sur le haut des pommettes, en rose ou orangé et n’est pas du tout estompé.
20’s
Le maquillage des années trente est largement influencé par les vedettes de cinéma comme Marlene Dietrich et Greta Garbo, mais aussi par le courant artistique Art déco. L’élément esthétique marquant de cette décennie concerne selon moi l’épilation des sourcils… Ils sont réduits à une fine ligne de forme arc-en-ciel un peu douteuse. Pour ce qui est du teint, il demeure relativement pâle grâce à une utilisation audacieuse (excessive) du fond de teint. Les yeux arborent une fine ligne de eye-liner de style cat eye discret et le mascara se porte uniquement sur les cils supérieurs. On s’en donne à cœur joie avec les ombres à paupières qui sont appliquées sur toute la paupière, de la ligne des cils jusqu’aux (presque) sourcils. Le blush est moins saillant que dans les années vingt, mais couvre cependant une très grande partie de la joue. Les couleurs de prédilection sont le rose, le rouge pâle et le brun. Les couleurs de rouge à lèvres prennent elles aussi de l’expansion : au rouge classique s’ajoute des marrons, framboise et des rouges plus profonds.
30’s
Les actrices de cinéma demeurent encore et toujours la source d’inspiration maquillage dans les années quarante, mais leur style est maintenant beaucoup plus près de la beauté naturelle. En effet, des femmes comme Ingrid Bergman et Élizabeth Taylor propagent un look sophistiqué, qui clash avec celui des époques antérieures. Premièrement, elles ont des sourcils normaux, un peu arqués. Deuxièmement, elles portent un fond de teint approprié à la couleur de leur peau. Troisièmement, elles utilisent le blush, maintenant disponible en poudre, de façon normale, genre sur les cheekbones dans des tons parfaitement subtils. Le rouge vermillon est toutefois back on track!
40’s
Bon, les années cinquante! Bien sûr, on a en tête la femme parfaite qui attend son mari, vêtue de sa grosse robe, avec un martini dans la main. Il est vrai que pendant cette décennie, les femmes étaient fortement encouragées à afficher une apparence glamour, voir impeccable. Du côté des brunes : Audrey Hepburn. Celui des blondes : Marilyn Monroe. Deux icônes de beauté aux imperfections indétectables! Durant ces années, le maquillage est flawless : une grosse couche de fond de teint, une grosse couche de mascara, une grosse couche de eye-liner… Tout vient en version « grosse couche », histoire de créer un effet dramatique (et pour cacher n’importe quoi qui n’entrerait pas dans les normes de la perfection). Seul le blush, dans les tons de pêche rosé, reste naturel. Le rouge à lèvres est sempiternellement rouge, mais cette fois-ci, il est rouge cerise. C’est pas une grande variation, mais quand même.
50’s
Enfin les années soixante! Du changement!!! On délaisse les lèvres rouges pour se concentrer sur des yeux supra maquillés, du eye-liner en veux-tu en v’là! Les femmes se promènent en mini-jupes et ont d’énormes yeux de biche. Grosso modo, les sixties, c’est ça. Non, mais c’est plus que ça… Le maquillage devient plus funky, plus créatif. Il suit le goût du jour libertin. Le fond de teint est plus léger et on l’applique maintenant comme base d’ombre à paupières. D’ailleurs, le maquillage de la paupière se décline dorénavant en trois temps : une ombre blanche bien estompée qui va de la ligne des cils jusqu’à l’os du sourcil, une ombre blanche plus opaque appliquée seulement sur la paupière pour finalement ajouter une ligne d’ombre foncée qui part du coin externe de l’œil et qui suit le pli de la paupière. On ajoute ensuite le fameux eye-liner, en haut ET en bas, pour couronner le tout d’environ vingt couches de mascara. Voilà! Nouveauté excitante et non négligeable : les lèvres sont NUES! Enfin, presque. On met du rouge beige ou du lipgloss transparent. Les lèvres sont libérées du rouge rouge!
60’s
Même si le disco fait des ravages dans les années soixante-dix, il serait faux de penser que le maquillage a transformé les femmes en boule disco pendant dix ans. Au contraire. C’est dans ces années que le makeup-no-makeup fait son apparition. Le fond de teint est mis de côté au profit de crèmes teintées qui procurent un teint plus frais et une texture plus aérienne. La tendance blush est à la crème, les poudres sont remisées. Des teintes subtiles de rose ou de bronze sont sur toutes les joues. Le mascara et le eye-liner sont aussi plus naturels et ne sont plus qu’uniquement portés en noir. Quant aux ombres à paupières, elles sont généralement pâles et un peu iridescentes. On illumine aussi le regard avec un eye-liner beige, appliqué dans la ligne intérieure inférieure de l’œil. La couleur que l’on choisit pour les lèvres en est une qui match notre couleur naturelle. Les rouges à lèvres sont plutôt mats, mais on les recouvre de gloss transparent.
70’s
OUCH! L’élctrifiante décennie quatre-vingt! En tous cas, c’est clair que pendant cette période, les makeup artists ont VRAIMENT du fun! Les années quatre-vingt, c’est la gloire du fuchsia dans toute sa splendeur. Sur les joues, les yeux, les lèvres… Le rose est partout. Partout. Le fond de teint est quand même naturel et on le fixe avec de la poudre libre. Le eye-liner a repris du poil de la bête et le mascara est noir. Les ombres à paupières sont vertes ou bleues ou oranges ou à peu près n’importe quelle couleur néon dont vous avez envie. Le gloss transparent règne toujours et vient faire briller de mille feux le rouge à lèvres ROSE ou rouge.
80’s
Vent de fraîcheur minimaliste apporté par les années quatre-vingt-dix. En fait, la tendance naturelle constitue une tendance spécifique parmi d’autres. Ce qui se passe dans cette décennie, c’est que les femmes cessent d’être majoritairement influencées par des stars hollywoodiennes ou des chanteuses. Elles le sont encore, bien sûr, mais les tendances maquillages se définissent maintenant plus comme des reflets des sous-cultures qui sont en voie de développement et auxquelles les femmes s’associent d’elles-mêmes. Il y a entre autres le look grunge, avec un smokey eye gris ou brun, sans blush ou très peu et un rouge nu. Le look gothique, avec beaucoup de mascara et un teint de fantôme et finalement, le style fresh-face, du genre Kate Moss dans les publicités de Calvin Klein.
90’s
En dernier lieu, les années 2000 à 2009 ou the noughties. J’ai lu que les années 2013 à 2019 sont les teenies et que 2010 à 2012 seraient les inbetweenies. Je ne suis vraiment pas sûre de comprendre, mais là n’est pas le point de mon article. Bref, le maquillage dans les années 2000, je pense que c’est juste un gros : fais ce que t’aimes. Un peu comme la mode. Un beau mix de recyclage et de nostalgie. C’est sûr que si tu te fais des yeux de Twiggy chaque matin pour aller au travail, il y a une mince possibilité que tu te fasses un peu juger, mais de façon beaucoup moins importante que si tu t’étais maquillée version sixties en plein milieu des années quatre-vingt. Ah pis de toute façon, who cares? Les années 2000, c’est un giga melting pot. Profitons-en allègrement, mais demeurons responsables dans nos choix de produits…
Alexe Raymond, réviseure.