Le jour de la Saint-Valentin, je me suis levée tôt.
J’ai rampé jusqu’à la cuisine où je me suis préparé un latté dans une cafetière italienne avec des grains qui sentent probablement meilleur que le cul de Dieu notre Père. J’ai aussi beurré trois muffins anglais, l’un de Nutella, l’autre de fudge et le dernier de Map-O-Spread. Je les ai tous mangés, puis j’ai remercié tous les pays cultivateurs de cacao en m’arrosant la bouche bien comme il faut de lait 2 %.
Ensuite, j’ai voulu regarder la télévision, mais il n’y avait absolument rien d’intéressant, sauf à Canal D, évidemment. J’entretiens une relation sinueuse d’amour et de haine avec le poste 36. Il me rend particulièrement heureuse avec des émissions comme « La guerre des enchères » et « Mon étrange dépendance ». Mon problème, je le vis surtout dans les reconstructions de meurtres sordides et franchement dégueulasses. C’est aussi parce que je ne leur ai jamais pardonné d’avoir cessé de diffuser « Mythes urbains » et « Que feriez-vous? ».
Bref, ce matin de Saint-Valentin bien précis, l’envie et la motivation requise pour écouter Canal D n’y étaient pas. J’ai donc décidé d’emballer le cadeau que j’allais offrir ce soir à ma plus ou moins douce moitié.
En montant dans le grenier pour trouver du papier d’emballage, j’ai redécouvert une passion qui m’avait été brève. Un tricotin pas prêt d’être achevé du tout était fourré dans un sac d’épicerie avec une grosse balle de laine multicolore. Comme je suis une personne excessive, j’ai entrepris de le finir la journée même, pour offrir de foulard qui allait en naître à l’élu de mon cœur.
Mais avant, j’avais rendez-vous avec Fifty Shades of Grey. On m’attendait à 13 h au Cineplex Odéon avec un popcorn extrabeurre et un verre d’eau parce que la liqueur là-bas c’est trop cher. Je me suis assise dans une rangée du milieu, coincée entre une assez grosse madame et un assez timide monsieur et le film a commencé.
Et puis, il a fini. Je pourrais pas dire exactement où et quand, puisque j’ai rien écouté. C’était d’une emmerde palpitante, beaucoup moins intéressante que Canal D en fin de compte.
Je suis revenue chez moi et j’ai travaillé sur mon tricotin comme une vraie défoncée. J’avais presque fini. Hubert arrivait dans une heure de Los Angeles.
Quand il a ouvert la porte de ma chambre, il s’est jeté sur mon lit et on est restés comme ça, les joues mouillées, le cou plein de bave et l’un dans les bras de l’autre pendant quinze grosses minutes.
Il m’a donné deux cadeaux. Un grand pull blanc avec L.A. dessiné dessus. Un saxophone de plastique qui ressemble à une flûte ponctuée de dessins africains.
J’étais contente. J’avais un nouveau quelque chose sur quoi exalter mon excessivité et un nouveau autre chose à porter lorsque j’exalterai mon excessivité sur ledit nouveau quelque chose.
Moi je lui en ai donné qu’un seul, parce que finalement, je n’ai pas eu le temps de finir le foulard au tricotin.
Sauf qu’intelligente que je suis, j’ai eu la brillante idée d’emballer mon premier cadeau dans une petite boîte, puis de la sceller avec un fil de laine multicolore (pour rappeler le foulard pas fini t’sé).
Il a défait l’emballage (sans comprendre l’allusion au foulard, évidemment) et a sorti les deux petits bracelets que j’avais achetés dans une boutique pas trop, mais quand même cheap.
Il était content. Je l’ai vu dans ses yeux qui savent pas où regarder. Il a mis et attaché mon bracelet sur mon poignet. J’ai mis et attaché son bracelet sur son poignet.
Sur l’un deux c’est écrit Best et sur l’autre, c’est écrit Friends.
On s’est assis sur le plancher de ma chambre et on a mangé une fondue au chocolat noir avec des cerises rouge extrasucrées et des petites gaufres.
Vers la fin, on a trempé du chocolat dans le chocolat.
Pourquoi pas?
Et puis, on s’est embrassé sur le plancher. Moins comme des meilleurs amis, que comme des amoureux.
Et puis on s’est allongé sur le plancher. Moins comme des meilleurs amis, que comme des amoureux.
Et ainsi de suite sur le plancher. Moins comme des meilleurs amis, que comme des amoureux.
Et il était passé minuit, mais la Saint-Valentin, quand on s’aime pour vrai, c’est à tous les jours.
Même les dimanches.