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Bicolline

Vendredi matin, le réveil sonne à 4h. C’est que j’ai deux heures de voiture à faire pour me rendre au Duché de Bicolline, et que je sais que la file sera longue pour entrer sur le site, dès l’ouverture des grandes portes de la palissade. Pas question de manquer une minute des deux jours que j’aurai l’occasion de passer dans cet autre monde!

Crédit photo : Éric Dubé

Une fois sur le site, je m’empresse de suivre le chemin de terre pour aller rejoindre les membres de ma guilde (ce sont en quelque sorte les membres de ma famille bicollinienne). Je passe d’abord devant les échoppes des artisans de la haute-ville, à côté de la grande église de l’Unique, et enfin devant l’immense navire échoué au bord de la rivière avant d’arriver à la vieille ville. Une fois là, je sais qu’il ne reste que quelques minutes avant que je n’aperçoive la grande tour rouge attachée à notre bâtiment, symbole de notre guilde.

Crédit photo : Éric Dubé

Les retrouvailles sont chaleureuses. Déjà cinq jours que la semaine de la Grande Bataille est commencée ; les membres de ma guilde sont donc déjà bien installés. Ils m’informent des événements de la semaine et de ce qui nous attend pour la suite. En après-midi, notre barde doit jouer une chanson pour la nomination d’une nouvelle Grande Prêtresse dans la religion à laquelle nous venons d’adhérer, puis nous irons à une cérémonie d’adoubement pour des chevaliers de notre province. Enfin, en soirée, nous recevrons l’Empereur de notre royaume à l’occasion d’un banquet.

Avant de poursuivre, je me permets une parenthèse pour ceux qui ne connaissent pas du tout les grandeurs nature. La plupart des GN au Québec sont des reconstitutions d’une époque médiévale fantastique où se côtoient diverses créatures. Le Duché de Bicolline est le plus grand en Amérique du Nord, si bien que des joueurs de partout dans le monde y participent chaque année. Chacun y trouve son compte. Les amateurs de combat croisent le fer lors d’épiques batailles sur la plaine du fort ou dans les forêts du Duché, tandis que les gestionnaires de ce monde s’impliquent dans l’économie et dans la politique à l’aide du jeu virtuel. Pour d’autres, c’est tout simplement une fête médiévale d’une semaine, une occasion de boire du cidre entre ami.e.s loin de toute technologie (oui oui, incluant l’électricité).

Mon trip à moi, c’est un mélange de tout cela. En attendant les cérémonies, j’assiste à un match de Trollball, le sport officiel de Bicolline. En cette avant-dernière journée, c’est la finale du tournoi. La foule se fait encore plus dense qu’à l’ordinaire. Comme j’ai encore un peu de temps après, je me dirige vers le chapiteau des bénévoles où je rencontre mes amis animateurs qui se préparent pour leurs prochains rôles. Costumes, maquillage, rappel des détails de la quête qu’ils devront faire vivre aux joueurs…

Crédit photo : Éric Dubé

La journée se déroule comme sur des roulettes. À l’occasion du banquet, notre cher seigneur de province et chef de guilde accueille officiellement les nouveaux membres officiels de la guilde (incluant moi!), puis nous retournons à l’extérieur pour profiter des événements de la soirée. Il y a un combat de monstres dans la Fosse et un spectacle de musique sur la scène de la vieille taverne.

Crédit photo : Éric Dubé

Le lendemain matin, l’effervescence est à son comble tandis qu’un millier de joueurs se préparent pour l’affrontement final, qui influencera le jeu concernant le commerce d’esclaves. Machines de guerre et soldats en armure armés de lances, d’épées et d’arcs traversent le pont vers la plaine. Les divers bataillons clament des chants de guerre, arborant fièrement les couleurs de leur guilde.

Crédit photo : Éric Dubé

À l’opposé, le reste du Duché se fait plus calme. Les enfants qui jouent à quêter dans la rue peinent à trouver des clients pour vendre leurs babioles. Quelques familles se dirigent vers la rivière pour prendre leur bain avant qu’elle ne déborde de tous les combattants qui viendront s’y rafraîchir dans quelques heures. Nous nous reposons au soleil quand un individu louche nous apporte une missive nous convoquant dans une boutique à la nuit tombée, armés.

Crédit photo : Éric Dubé

Le soleil se couche tranquillement sur le Duché. Nous partageons un dernier souper avant de nous rendre à notre lieu de rendez-vous. Un orage spectaculaire éclate alors et les gens expriment leur admiration du phénomène à grands cris. L’ambiance est festive et littéralement électrique en cette dernière soirée. Les danseurs de feu sortent tout de même dans les rues, en impressionnant plus d’un.

Crédit photo : Éric Dubé

Personne ne s’est présenté au lieu du rendez-vous. Ce sera probablement à suivre. Entre temps, nous patientions à cheval entre les deux mondes, alternant entre des jeux d’alcool et le partage de nos anecdotes de la semaine. Rien de bien regrettable, considérant que je ne reverrai pas mes amis américains avant l’an prochain.

Crédit photo : Éric Dubé

Le soleil s’est levé. Ce matin-là, c’est par-dessus un t-shirt et des jeans que j’ai enfilé ma cape avant d’aller remplir la voiture. Les gens que je croise en chemin se disent au revoir, à la fois excités d’enfin pouvoir aller prendre une douche et de retrouver leur vrai lit, mais tristes que ce soit terminé. C’est le début de la petite déprime post-GN, le fameux bicoblues qui nous affligera tous une semaine ou deux.

Crédit photo : Éric Dubé

Mon épée est rangée jusqu’à la campagne militaire de septembre. J’ai hâte. Quelle belle communauté de joueurs retrouve-t-on à Bicolline! Quelle intensité, quelle immersion, quelles aventures! Je me considère extrêmement chanceuse d’être aussi triste au moment d’écrire ces lignes. C’est la preuve criante et magnifique que l’on a vécu quelque chose de vrai, de fort, de beau. Honnêtement, ça en vaudra toujours la peine.

***

Pour tout savoir sur le Duché de Bicolline, c’est ICI!

Crédit photos : Éric Dubé (photos non libres de droits, mais dont l’utilisation a été autorisée par l’auteur de celles-ci pour cet article)

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