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Sublimer le quotidien

Difficile de faire l’impasse sur la réalité mondiale qui nous frappe depuis quelques semaines. Un virus sévit de part et d’autre du globe, obligeant les populations à s’en protéger en restant confinées. Nous voilà donc, pour la plupart et les plus chanceu.x.ses d’entre nous, disons-le, prisonniers de nos quatre murs. En plein cœur du milieu urbain tout comme en campagne, la consigne est la même : restez chez vous. Seul.e, à deux, à plusieurs, nous sommes tous confronté.es à un certain face à face avec nous-mêmes.

La restriction serait-elle propice à la réflexion? Pour le meilleur et pour le pire, sans doute. Quoi qu’il en soit, impossible d’y couper, les semaines qui vont s’écouler devront se vivre dans le même environnement. Environnement que chacun connaît probablement par cœur, que l’on finit par ne plus regarder, ne plus observer, ne plus admirer. Bien souvent, ce lieu a été choisi, nous y avons élu domicile, comme on dit. Cette maison, cet appartement est l’élu qui abrite nos nuits, nos songes, nos rêveries, nos instants de vie les plus anodins comme les plus intimes. Quatre murs au sein desquels on s’extrait du monde extérieur. La temporalité devient nôtre, le masque social tombe, nous voilà préservés de la frénésie, du regard aussi. Mais que devient le plaisir de retrouver son refuge quand on ne peut plus en sortir ? Reste-t-il refuge ou devient-il la prison dorée qu’on espère tant quitter ?

L’une de mes premières craintes face à l’annonce du confinement a été de me demander : que vais-je admirer ? Adepte des longues heures de marche sans d’autre but que d’observer, de quelles découvertes allait se nourrir ma soif visuelle dans ce lieu que j’ai vu et revu? Je craignais de souffrir de l’appauvrissement. Appauvrissement de la découverte, appauvrissement de la beauté. Et pourtant, pourtant la beauté est bien présente, partout, tout le temps. Elle se loge là où l’œil se doit de s’attarder. Un regard fugace ne suffit pas à déceler une beauté nichée entre les lignes, dans les recoins. Le paysage quotidien est trop souvent parcouru d’un coup d’œil las. Néanmoins, découverte une fois, la beauté peut être redécouverte à l’infini et gagner en reliefs, en profondeur, encore et encore.

Alors, je me suis mise au défi. Au défi de (re)déceler la beauté de ce qui m’entourait. Assise sur mon balcon, au fil des jours, j’ai vu les arbres du petit square d’en face se parer de leurs feuillages printaniers. Timidement, les bourgeons apparaissent, s’étoffent et laissent désormais place à des couleurs vertes encore éparses, mais qui annoncent le magnifique renouveau de la nature. L’absence d’êtres humains a fait de ce jardin la propriété des espèces du quartier. Les chants des oiseaux se sont diversifiés et, les voitures se faisant rares, je n’entends qu’eux. N’est-ce pas la plus douce des mélodies ?

Les chats pourtant si farouches, voire inexistants aux heures d’affluence règnent maintenant en maîtres dans ce bout de verdure initialement dédié à l’être humain. Je me suis surprise à m’attacher à un matou gris qui, chaque jour, et ce, sans exception, s’offre balades et instants de chasse au cœur du jardin. Ce spectacle rythme mes journées. Je me sens chanceuse d’avoir cette fenêtre sur la nature qu’on sait riche d’une infinie beauté pourtant trop souvent oubliée, voire détériorée.

En levant un peu la tête, le ciel aussi m’offre une représentation gracieuse et nouvelle chaque jour. Les heures passent et les couleurs changent, les nuages se forment ou se dissipent. L’immensité me permet de m’attarder sur des phrases tirées de mon roman, de penser à ce qui a été, à ce qui est et à ce qui sera peut-être, de laisser exister mes rêveries.

En passant la porte, j’entre chez moi et mon regard s’attarde sur des détails qui n’en sont pas : l’ambiance sans cesse réinventée de mon cocon en fonction de la luminosité qui y baigne ; les livres de la bibliothèque collés les uns aux autres qui me font penser que ce sont autant d’histoires qui se côtoient sans le savoir ; les photos et posters accrochés aux murs qui, lorsque je prends le temps de les admirer, me replongent dans des lieux, des instants de vie et convoquent à nouveau des émotions et sentiments enfouis dans ma mémoire ; le reflet du monde sur le verre de ma fenêtre entrouverte…

Cependant, le regard n’est pas mon unique allié. En effet, tous mes sens s’éveillent pour sublimer ce qui se voulait être la banalité du quotidien. Ce dernier peut dès lors se révéler être un vrai festival d’odeurs, de goûts, de sons et de sensations. Et finalement, je réalise que la beauté s’admire tout autant qu’elle se crée. L’espace confiné peut devenir la scène de tous les possibles et le corps est dès lors le plus formidable des outils.

Alors, dans cette période douloureuse et anxiogène, il me semble primordial de remettre la beauté à l’honneur dans ton quotidien. Tu peux l’admirer, la sentir, la goûter, l’écouter, mais tu peux aussi la chanter, la danser, la peindre, la composer…

Car la beauté, elle, n’a pas de limites et ne sera jamais confinée.

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