Selon le Larousse en ligne, la définition du mot « gros » va comme suit : « Indique le volume, l’épaisseur, la taille dans les comparaisons ».
Et c’est tout. Un adjectif de comparaison, point. Alors pourquoi a-t-on si peur de l’utiliser, ce mot?
Quand je dis que je suis grosse, on me répond souvent : « Ben non, t’es belle! ». Comme si j’avais dit que j’étais laide. Cette phrase que j’ai si souvent entendue témoigne de cette association ancrée au fond de nous, devenue inconsciente et normale. Comme quoi être gros.se, c’est être laid.e.
Quand c’est pas cette phrase-là, c’est une autre qui vient nier la réalité : « Arrête, t’es pas grosse ». Je nous ramène à la définition en introduction : ce terme est un adjectif de comparaison. Donc techniquement, c’est vrai. Mais c’est aussi toujours faux. Dans tous les cas, je sens chez ceux et celles qui utilisent cette phrase un désir de me rassurer sur mes propos, de me convaincre que je ne suis « pas si pire » (parce que je l’ai entendue, celle-là aussi).
Au bout du compte, c’est du pareil au même. Le mot « gros » est devenu péjoratif. C’est pratiquement une insulte.
Pourquoi a-t-on si peur d’utiliser ce mot? Parce que malgré les mouvements sociopolitiques qui dénoncent la grossophobie et autre forme de taille-isme, on a encore beaucoup de chemin à faire avant d’atteindre l’égalité des corps.
C’est prouvé que les personnes obèses ou ayant un quelconque dysmorphisme ont une qualité de vie moindre. Elles peuvent avoir plus de difficulté à se trouver un emploi, vivre du rejet social et être victimes d’intimidation[1]. En ce qui a trait au dernier point, l’intimidation est souvent perpétrée par l’entourage de la personne, et souvent teintée de bonnes intentions. Mais ce n’est pas parce que les commentaires répétitifs ont lieu dans un contexte de souci pour la santé d’autrui qu’ils en sont moins douloureux pour la personne.
Je ne peux diagnostiquer un problème de santé à quiconque en me fiant à son apparence, de la même manière que je ne peux diagnostiquer un cancer ou un trouble anxieux, à la fois parce que je ne suis pas en droit de diagnostiquer qui que ce soit, et parce que même si je l’étais, de plus amples observations seraient nécessaires.
Et s’il vrai que plusieurs études lient le surpoids à plusieurs problèmes de santé, c’est d’autant plus inquiétant pour ce qui est des problèmes de santé mentale. Les personnes en surpoids ont plus de difficulté d’estime de soi, sont plus à risque de développer des troubles anxieux et ont une vision plus négative d’elles-mêmes. Et cette dernière partie, ça ne provient pas du poids en soi, mais du message que l’on envoie en tant que société.
Si je crois fermement que l’on bénéficierait de redonner son caractère neutre au mot « gros », je vous avouerais que je ne serais pas à l’aise de l’utiliser allègrement pour autrui. Je n’oserais désigner qui que ce soit en l’utilisant, à moins de bien connaître la personne et d’être certaine qu’elle est sensibilisée à cette cause et à l’aise avec sa vraie définition. Mon objectif est vraiment juste de stimuler la réflexion et de provoquer des discussions sur le sujet pour que tranquillement, on entreprenne ce changement de mentalité.
En attendant, on peut toujours encourager les mouvements sociaux qui y sont liés, comme le Body Positivity. J’en ai d’ailleurs déjà parlé ICI.
Ensemble, on peut faire progresser les choses.
[1]Référence : Université Laval
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