Depuis quelques semaines, j’entends des hommes parler des autres hommes avec colère. Je lis des hommes parler des violences, agressions et harcèlements sexuels. Je vois d’innombrables vidéos résumant et analysant les faits des dernières semaines. Je devrais être ravie, non?
Eh bien, non.
Bien qu’aucune de ces révélations ne soit pour moi une surprise, je me surprends moi-même à être en overdose de tout ça.
D’autant plus choquée de lire, de voir à quel point certains semblent découvrir un monde.
Et alors, à l’instar de Zola, j’accuse! J’accuse l’hypocrisie généralisée qui semble accueillir l’actualité comme de jeunes oiseaux tombés du nid. La communauté médiatique hurle, vomit des milliers de caractères par 140 en quelques jours comme pour compenser le silence nourri depuis tant d’années.
Mais dans quel monde vivent-ils? Dans quel monde viviez-vous, vous qui, du jour au lendemain, avez saisi l’ampleur du phénomène?
Pourquoi faut-il que l’on parle des célébrités qui abusent de leur pouvoir pour réaliser? Ces personnes représentent un symptôme d’une maladie qui dure depuis des siècles.
Il y a peu, avant que la vague des dénonciations, j’osai demander à des amis (hommes) quel pouvait être le contenu de conversations entre hommes à propos des femmes. Au risque de me mettre du monde à dos, je parlerai, car leur réponse m’en a apporté d’autres. Tandis que des gangs masculines refont le monde, enchainent les plaisanteries, se soutiennent, s’aiment comme nous tous humains, d’autres, par la violence de leurs mots salissent et heurtent les femmes, réduites à des amas de chair à peine vivants ne méritant pas grand-chose de plus qu’un gracieux jet de sperme sur la face. C’est le moyen-âge!!!! N’avons-nous donc pas évolué?! Ce n’est qu’un aperçu du récit qu’ils ont accepté de me livrer. Secret de la violence entretenu et gardé d’hommes à hommes. Et qu’on ne vienne pas me dire que les femmes font pareil. Je sais bien que la violence a mille visages, la violence sexuelle n’est pas omise, ça n’est pas une raison de lâchement que d’inverser le phénomène sous prétexte d’égalité.
Comment pouvez-vous ne pas le savoir?
Jusqu’à il y a peu, les violences envers les femmes étaient encore discutées au parlement canadien : en 1982, on révisait la définition du viol, en 1990, celle du consentement en lui-même, car visiblement ce sont deux entités que le monde ne veut pas bien comprendre.
Comment pouvez-vous avoir oublié? N’avez-vous donc jamais écouté les femmes, lu un journal, regardé les nouvelles télévisées, écouté la radio, eu un accès internet??
Des milliers de femmes autochtones disparaissent/se font violer/assassiner dans l’indifférence citoyenne et sociétale la plus totale. Et vous tombez des nues en apprenant que des hommes de pouvoir abusent de leur « supériorité » pour agresser/intimider d’autres êtres humains jusqu’à froisser leur dignité physique et sexuelle?
J’accuse! J’accuse le monde d’être volontairement aveugle, de ne pas assumer la responsabilité d’une violence omniprésente que nous refusons de regarder dans les yeux.
On lit dans la presse, dans la blogosphère féministe et sur d’autres tribunes une foule d’articles pressant les victimes d’agressions d’oser parler. J’ai lu des témoignages de femmes qui s’excusent de ne pas avoir parlé! Mais que se passe-t-il?!
J’ai le sentiment que l’on élude des questions majeures. Sommer les opprimé•e•s de se montrer haut et fort est une chose, utile certes, mais pourquoi ne pas conseiller aux témoins, aux proches de parler eux aussi, de réfléchir en profondeur, de modifier leurs attitudes, de soutenir, de prévenir, de parler du problème, d’encourager le bien plus que l’indifférence. C’est avant que le drame arrive qu’il faut agir, pas une fois que le mal est fait.
Cessons s’il-vous-plait de mettre le projeteur brulant sur celles et ceux qui n’ont rien demandé et orientons-le sur ceux qui font semblant de ne pas savoir, de nier l’existence même de la culture du viol.
Il faut se réveiller et arrêter de nous renfermer sur nos acquis. Urgemment, de manière collective et efficace. Ça suffit, les excuses, ça suffit le pas-vu-pas-pris, ça suffit les œillères; trop de gens souffrent en silence sous les regards lointains. S’il y a autant d’agressions, il y a autant d’agresseurs, c’est une évidence, prenez-le comme acquis et agissez, pour le bien de tous. Votre parole ainsi que votre réflexion sont votre pouvoir, il est plus que temps de s’en servir. Merci.
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