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J’ai d’abord pensé que le bonheur était caché dans la perfection. Quand j’allais projeter l’image de la parfaite réussite, j’allais mieux me sentir à travers la reconnaissance des autres. Évidemment, je croyais que le bonheur se mesurait par rapport à une échelle, celle que les regards externes établissent. Sans validation, avais-je vraiment réussi?
J’y ai cru. Je voulais être toujours plus petite, silencieuse mais efficace. Studieuse et délicate. Je voulais vivre pour sourire et dire fièrement que j’allais bien. Et j’y suis arrivée… Mais j’ai aussi développé un trouble alimentaire et de l’anxiété de performance. J’étais sensée avoir atteint ma définition du bonheur. J’avais bâti mon identité sur quelque chose d’éphémère, d’irréaliste et surtout, loin de la réalité.
J’ai bien compris avec les années que j’avais tort. Je ne pouvais pas m’exiger la perfection, parce qu’aussi attirante soit-elle, elle m’éloignait du réel bonheur. Mon physique a changé, mes notes ont baissé, tout comme mon anxiété.
Bien que positif et plus que nécessaire, ce cheminement mental n’a pas résolu mon problème : après m’être définie par une image que je ne projetais plus, quelle était la prochaine étape? Où allais-je trouver mon bonheur?
J’ai changé de perspective et j’ai cherché la perfection à l’extérieur de moi. À défaut de ne pas pouvoir être parfaite, je pouvais faire en sorte que mon environnement le soit. Je voulais aller à la meilleure université et je me jugeais de trouver les autres programmes alléchants. Je vantais les mérites de quelque chose qui, finalement, ne me convenait pas. J’ai mis sur un piédestal des gens qui n’en valaient pas la peine, non pas pour leur personnalité ou la façon dont ils me traitaient, mais pour ce qu’ils apportaient et leur statut. J’ai perdu de vue l’important et les gens qui tenaient à moi, pour appartenir à ma nouvelle définition de la perfection. Je trouvais des défauts chez tous, convaincue que cela justifiait de couper contact.
Puis, la pandémie a frappé. Les artistes que j’aspirais à côtoyer ne faisaient plus de vernissages, les manifestations où j’allais étaient devenues dangereuses.
Je me suis posée la question suivante: si j’allais dans une grande université et que j’étais entourée d’intellectuels qui ne me connaissent pas vraiment, mais qui étaient toujours prêts à vanter leur travail et leur exploits, est-ce que j’aurais finalement un sentiment d’accomplissement, ou est-ce une translation du problème et une nouvelle image?
Aujourd’hui, je vois surtout dans mon parcours une situation que beaucoup de jeunes vivent et qui, je l’espère, après une adolescence complète, tire à sa fin : j’avais peur. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur de me décevoir et de décevoir les gens autour de moi. Il s’en est donc suivi la recherche continuelle de la perfection. Je ferai des erreurs, tout comme le reste du monde. À toujours chercher plus, je suis passée à maintes reprises à côté de ce qui était juste assez. Je me suis cherchée.
Ce fut, d’une certaine façon, un moyen de me sauver pendant longtemps. C’est plus facile de continuer de chercher le petit ami parfait plutôt que de voir la réalité, de réaliser que personne ne correspondra à ma vision romancée et que les vraies relations sont bâties sur les compromis, l’honnêteté et la confiance, non pas sur la perfection. Aucune relation sera toujours agréable, parce que tout le monde a des opinions différentes et que les désaccords constructifs existent.
Aucun programme d’études ne me conviendra parfaitement, parce qu’aucun métier est toujours une partie de plaisir. Les mauvaises journées font partie de la vie.
Chercher continuellement ce qui est mieux au lieu d’apprécier ce qui est, c’est de la fuite. Ça se nourrit de la peur.
Voilà maintenant un an que le confinement est installé. Quelle relation entretiens-tu encore malgré tout? Qui est encore là? Quelles relations veux-tu voir fleurir dans le futur? Et si tout ce dont tu avais besoin se trouvait juste ici? Curieusement, lâcher prise sur la quête incessante de la perfection est sans doute ce qui m’aura rapproché le plus du bonheur.