Que vois-tu sur ces photos? Une fille au Mexique. Une fille souriante au Mexique. Une fille chanceuse. Une fille mince sur une plage.
Si je voyais cette photo là sur Instagram, je l’envierais. Pourtant, cette fille-là, c’est moi. Du moins, c’était moi.
Parce que la fille sur ces photos est anorexique. Elle a été diagnostiquée, mais elle refuse de se l’avouer. Elle est sous son poids santé. Elle n’a pas l’air à l’article de la mort, mais elle pèse 86 livres. Elle dort 13 heures par jour, même en voyage. Elle fait la sieste dans l’après-midi pendant 2h et met tout ça sur le dos de « quelques semaines qui ont été épuisantes ». La fille sur cette photo fait de l’anxiété. Beaucoup d’anxiété. Elle ne se donne pas le droit de manger beaucoup à la fois, donc elle a toujours faim. Elle ne mange pas de noix de coco, même en étant au Mexique, parce que c’est trop gras. Elle est irritable et vit en surface, elle ne ressent pas grand-chose de vrai. Elle ne sort jamais manger au restaurant. Elle se pèse trop souvent. Elle s’isole.
Mais regardez comme elle semble heureuse. Savez-vous combien de temps elle a dormi sur cette plage? À quel point elle aurait aimé y nager mais comment un cruel manque d’énergie l’empêchait de le faire plus que cinq minutes?
Il fût un temps où la fille sur cette photo avait des formes et des courbes de femme. Des fesses qui rendaient ses amies jalouses. Un appétit et un espace mental pour autre chose que des mathématiques alimentaires jonglant entre les calories et les grammes. Il fût un temps où cette fille était spontanée et heureuse.
Sauf qu’elle était aussi valorisée pour sa petitesse. Elle était complimentée. Elle perdait ses cheveux. Elle avait froid. Elle s’entraînait beaucoup, mais aux yeux des autres, elle était belle. À ses yeux aussi, elle l’était. Elle refusait des sorties, était dure envers elle-même, mais elle était belle. C’était ça l’important.
La robe de son bal de finissants, les maillots de bain et l’étiquette de « la mince », « la mini »… elle avait laissé son mental définir son identité. Ce n’est pas juste son corps qui était petit, c’était aussi sa vie, sa liberté et sa zone de confort.
Quand elle a touché le fond, que sa mère pleurait devant l’impuissance face à son corps tout maigre et que son médecin lui disait « tu seras l’adolescente qui aura manqué ses examens de fin d’année pour être nourrie de force », elle a compris qu’elle passait à côté de tellement au nom d’une taille de jeans. C’était possible de vouloir vivre plus que de vouloir être mince.
Elle a compris qu’elle pouvait être belle juste avec son sourire.
Aujourd’hui, cette fille-là se fait dire par des gens ignorants qu’elle a engraissé. Elle se fait demander comment elle a pu prendre 30 livres si rapidement. Ça la blesse encore beaucoup. Parce qu’elle sait qu’elle l’a fait pour les bonnes raisons. Certaines personnes qui la connaissent liront cet article et réaliseront qu’elles n’étaient même pas au courant de tout ce qui s’est passé dans sa tête il y a 3 ans. Parce qu’un trouble alimentaire n’a pas de visage. Ça ne se voit pas.
Alors, avant de complimenter ou de commenter l’apparence de quelqu’un, autant une perte ou un gain de poids, faites attention. Vous ne savez pas combien de temps la personne s’est regardé dans le miroir en pleurant avant de mettre sa robe et de sortir affronter le monde. Vous ne savez pas combien de selfies elle a effacé de son cellulaire à cause de cette peau sous son menton qui était trop voyante.
Et si tu sens et que tu sais, au fin fond de toi, que tes sentiments face à l’alimentation ou à l’exercice ne sont pas les bons, sois d’abord honnête avec toi-même et arrête de te créer des excuses. Ça ne va pas « passer » tout seul. Ça ne va pas arrêter « quand tu auras perdu ce petit cinq livres récalcitrant ». Le vrai travail n’est pas à faire sur ton tour de taille, mais bien dans ta tête. C’est de savoir t’aimer inconditionnellement peu importe ton apparence. Tu n’as pas à être « maigre » pour avoir besoin d’aide. Tu n’as pas à te dire que d’autres vivent pire que toi. Tu n’as pas à être une fille pour avoir un trouble alimentaire. Tu n’as pas à être une adolescente, ni à avoir un élément déclencheur fixe. Tu as le droit de demander de l’aide. Ce que tu ressens est valide.
Confie-toi à quelqu’un en qui tu as confiance qui te prendra au sérieux. Un professionnel de la santé. Utilise les ressources qui sont à ta disposition… parce que tu mérites d’être heureux.se. Tu mérites de te voir pour la personne extraordinaire que tu es, et non pour celui ou celle que ta problématique te convainc que tu es.
Ressources : anebquebec.com / T 1 800 630-0907 – 514 630-0907 / F 514 630-0599