Un mois à peine après avoir visité la Gaspésie, j’ai eu envie de prendre le large pour ressentir l’air frais du fleuve à nouveau. Je suis donc partie sur un coup de tête pour m’accorder un moment de ressourcement, pour souffler un peu après cet été riche en émotions de toutes sortes. J’ai planté ma tente tout près du fleuve dans le coin des Bergeronnes. J’ai rushé, car c’était une tente empruntée, cheap, pis qui avait une drôle d’allure une fois montée. Peu m’importait, puisque je suis arrivée à temps pour voir le superbe coucher de soleil et me faire un petit snack sur le vieux réchaud de ma mère. Couchée sur ma table à pique-nique avec en bruit de fond des petites familles qui ricanent, je suis restée longtemps à observer les étoiles, à me dire que la vie était trop courte pour attendre après quoi que ce soit. Que plus jamais je n’allais m’empêcher de faire des choses parce que j’étais seule. Que finalement être seule était peut-être la meilleure chose qui pouvait m’arriver. Un peu de répit pour mon cœur et ma tête qui enfin ne tournaient plus à 100 milles à l’heure pour un oui ou un non et qui pouvaient donc savourer chaque instant avec une nouvelle légèreté.
Dans ma tente trop grande faite pour deux, l’air frais du fleuve m’a fait frissonner. Pourtant, je ne me suis pas laissée happer par la solitude. J’étais trop heureuse d’être là en sachant que jamais je n’aurai eu les tripes de faire ça avant. Finalement, peut-être que j’avais juste besoin de quelqu’un pour me brasser, me faire réaliser que la vie, c’est maintenant, que j’étais libre pis que ça suffisait les excuses.
Mais tu sais quoi, maintenant je n’ai plus besoin de me faire pousser dans le dos. À force de petites poussées et de petits défis, j’ai pris mon aise pis mon erre d’aller. J’ai plus besoin qu’on me dise que je suis belle, que je suis bonne, que je suis capable. Je me sens prête à poursuivre mon chemin toute seule, comme une grande fille.
Au petit matin, je me suis réveillée assez tôt pour voir le soleil se lever, le tout étendue dans ma tente qui m’a semblé être un peu moins grande que la veille. Il parait que le bonheur n’est vrai que s’il est partagé. C’est sans doute vrai dans le quotidien, dans la vie en général, dans cette société qui a été conçue pour vivre à deux pis faire des enfants. Mais la solitude est parfois nécessaire et étonnamment elle peut mener à des moments magiques. Parce que le bonheur vient de soi anyway.
Après avoir paqueté mes petits un peu maladroitement, je suis allée faire du kayak de mer pour la première fois. Sur place, j’ai réalisé que c’était des maudits kayaks tandems. Entourée de petits couples, j’ai remarqué avec soulagement un groupe de trois filles enjouées. On a passé le reste de la journée à regarder les baleines sur les rochers, car on n’en avait pas eu assez. Pendant quelques heures, j’ai même arrêté de me dire que t’aurais aimé ça être là, j’ai préféré garder toute la joie du moment pour moi.
J’ai poursuivi ma route pour un petit souper en tête-à-tête avec moi-même à 16 h dans le café que j’avais spotté la veille à Tadoussac. Le Café Bohème, celui avec les parasols turquoise. Bin oui, je me suis laissée séduire par le nom pis le turquoise. Pis oui j’ai soupé à 16 h parce que c’était à ce moment‑là que j’avais faim.
Encore une fois, les couples, les familles et les meilleures amies peuplaient le resto. J’avoue que je me suis sentie lonely un peu, mais mon Dieu, c’était la meilleure pizza au fromage, garnie de pommes et de pacanes que j’ai mangée de ma vie. J’ai savouré chaque bouchée en silence, en appréciant le fait que je n’avais pas besoin de chercher quoi dire, pis que je n’avais pas à me demander si l’autre personne était satisfaite de mon choix de resto.
Le soir venu, l’Auberge de jeunesse La Malbaie m’attendait. J’ai piqué quelques jasettes avec des gens bien sympathiques avant de dormir comme un bébé sous l’effet de la Pit Caribou de Percé, juste parce que j’étais un brin nostalgique.
À mon réveil, les trapèzes douloureux par le kayak, je suis partie vers l’arrière-pays pour faire une randonnée au majestueux sentier de l’Acropole des draveurs. Je l’avais déjà fait, mais pas toute seule. Un beau challenge physique et mental que j’ai fait en portant tout le poids de mon sac à dos et en avançant à mon rythme avec seulement ma petite voix pour m’encourager.
Pis finalement, je vous ai écrit quelques lignes du bar de l’Auberge, car ce soir-là y’avait juste des couples ou des groupes d’amis trop tissés serrés autour, pis une fille qui racontait comment son fuckboy est un salaud à sa chum qui hochait de la tête en faisant semblant de l’écouter. Pis je me disais, que j’étais contente de ne pas avoir de gars contre qui pester et qu’en écrivant pour les crépus, je ne me sentais pas seule du tout.
Sur le chemin du retour, j’ai ressorti mes vieux cd du cégep que j’ai écouté sur repeat en me cassant la voix et en m’arrêtant à chaque fois que je trouvais le paysage assez beau pour être exploré.
Au terme de ma petite épopée, je sais qu’il est maintenant fini le temps où j’hésitais à faire ce qui me plaisait parce que je n’étais pas accompagnée. Et que maintenant que j’ai goûté au bonheur d’être seule, plus jamais je ne vais m’alourdir d’une relation qui ne me satisfait pas autant que d’être libre.
Mélanie Marineau-Harnois
Crédit photo : Sandra Nadeau-Paradis