À toutes les personnes qui, comme moi, ont besoin de temps pour déployer leurs ailes. À toutes ces chenilles qui cheminent dans leur cocon, à tous ces papillons en gestation.
La métamorphose peut s’avérer être un long processus dans la vie d’êtres zélés. Il faut une grande quantité de soi(e) avant que puisse éclore la chrysalide et que la nymphe s’anime.
J’ai souvent le sentiment étrange d’être à côté de la track, d’avoir un wagon de retard, une rame de décalage avec moi-même. D’être toujours fin prête quand il est trop tard.
J’ai une profonde admiration pour les personnes qui explorent et arborent leurs talents dès leur plus jeune âge. Et si le voyage en soi(t) est un art, on n’est pas tous.tes égaux, on ne part pas forcément avec les mêmes bagages. Nous avons chacun.e notre parcours, notre personnalité, notre histoire, notre évolution.
J’ai manqué le cap. J’ai dépassé la date. Je suis passée du côté obscur de la force de l’âge. L’annonce vient de tomber, je dois quitter la « section jeunesse » et ses quelques privilèges. C’est d’ailleurs une excellente chose d’encourager la créativité et la virtuosité des jeunes. Par contre que fait-on des autres ? De ceux qui ont pris plus de temps à germer? De celles pour qui le voyage a été plus long?
Dans cette société à grande vitesse où rapidité et performance se font la course, il y a peu de place à la lenteur comme source, comme point créateur.
J’ai loupé le train à quelques secondes près. Et il n’y en a pas de prochain. Il faudra alors emprunter un autre chemin, contourner les obstacles. Se frayer une piste hors des sentiers connus. Redoubler de courage mais ne pas interrompre le pèlerinage. Si la floraison est plus lente, elle ne saurait avoir raison de son essor.
Je n’ai peut-être plus le droit à certaines aides, mais j’ai encore, et nous avons toujours toutes et tous, le droit aux rêves. Même si j’ai l’impression qu’on (que je) me coupe l’herbe sous le pied alors que c’est précisément maintenant que je me sens prête, cela ne me coupe ni la tête, ni les ailes. Il n’est d’ailleurs « jamais trop tard pour être la personne que l’on aurait pu être » – George Eliot.
Tout ce que j’ai vécu et continue de vivre me permet de devenir la personne d’aujourd’hui et de demain. Je me suis polie au gré du vent, de la mer et de tout ce qui s’est trouvé sur mon passage. Partie de loin, je suis, à la fois, fière et reconnaissante de la route parcourue.
Chaque étape, chaque expérience est nécessaire, chaque rencontre nourricière. Il faut laisser le temps au temps. Le laisser infuser pour mieux diffuser notre essence.
Pour 2020, je nous souhaite de profiter du paysage, de ne pas s’attarder uniquement sur la destination mais sur le trajet lui-même, sur la traversée quotidienne, le pas à pas jour après jour. Il est temps de raccrocher les wagons, nos wagons à nous-mêmes.
Un wagon de retard comme train de vie, c’est de voir en la lenteur un moteur. Ecouter sa boussole interne, son odomètre personnel. À contre-courant, retrouver sa cadence et aligner sur ses railles sa propre trame.