On s’est aimé, fort. On s’est aimé grand. On s’est aimé comme ceux qui ne s’imaginent pas la fin, comme ceux qui se regardent en sourire et qui ne se font jamais pleurer.
On s’est aimé comme dans les histoires qui nous font rêver.
On s’est aimé jusqu’à se compliquer, jusqu’aux secrets, jusqu’aux nuits dos à dos, jusqu’aux mains qui ne se prennent plus en marchant vers le métro.
On s’est aimé jusqu’à la fin qui vient trop vite, parce que c’est la vie, parce que c’est comme ça, parce que, parce que, parce que.
« On s’est aimé comme on se quitte, tout simplement sans penser à demain. »
On s’est aimé jusqu’à se perdre, alors on a préféré partir se retrouver sans l’autre, même si c’est pas vraiment plus simple ou facile de se retrouver tout seul. Il y a des choses comme celle-là dont on se convainc si bien, le genre de réflexion conne qui nous font croire qu’on a fait le bon choix, le genre de morale à cinq cennes, une de perdue dix de retrouvées, qui nous aide à mieux dormir la nuit.
Je pourrais faire la longue liste de toutes les belles choses que j’ai perdues en te perdant, parler de caresses dans les cheveux à 3 heures du matin, parler de chansons à tue tête en roadtrip vers le zoo de Granby, parler de buffets nocturnes, de surnoms absurdes, je pourrais parler de toutes ces micro-pertes qui font pleurer le soir, mais je crois que mon plus grand vide est celui de disparaître complètement de ta vie.
Passer de ton amoureuse à une inconnue, et pas seulement pour toi, mais pour ta famille et tes amis aussi.
Devenir celle qu’on connaît, mais à qui on n’adresse pas la parole si on la croise dans la rangée des fruits et légumes, celle qu’on ne vient pas embrasser sur les deux joues si on se retrouve à la même soirée, celle dont on supprime l’amitié sur les réseaux sociaux, celle qui, soudainement, n’existe plus.
Je comprends l’inconfort, le désir de solidarité envers son fils ou son meilleur ami, sauf que de faire comme si j’avais pas été dans vos vies pendant deux ans me fait m’imaginer que j’ai jamais été autre chose que « la blonde de », jamais été moi, l’individu.
Chaque fois que je croise sa mère au centre d’achat et qu’elle me détourne le regard comme on ignore celle qui brasse sa tasse de café vide sur le coin d’une rue, à l’intérieur je me dis que tous les rires, toutes les soirées de jeux de société, tous les Noël, Pâques, fin de semaine au chalet, toutes les discussions au bord du foyer, tous les après-midi à cuisiner, tous ces moments ont existé par obligation et non par envie, par plaisir, qu’ils ont existé non pas parce que moi, juste moi, j’avais suscité l’envie qu’ils aient lieu, mais parce que j’étais « la blonde de ».
C’est tout un réseau qu’on perd en perdant une personne. Les souvenirs sont multipliés et donc la tristesse des souvenirs sur l’oreiller l’est aussi.
On pourrait pas être plus grands que ça? Comprendre que l’amour c’est complexe et trop souvent inexplicable et que la fin de l’amour l’est tout autant. Comprendre que le choix de ne plus être ensemble ne devrait pas être un choix de disparaître aux yeux de tous, de jouer, toute la gang ensemble, à faire comme si ça n’avait jamais existé. Comprendre que tout était sincère, l’amour, l’amitié, la famille. Que tous les soupers étaient sincères, que tous les sourires étaient sincères, comprendre que l’amour met pas nécessairement fin à toute cette sincérité là.
Est-ce qu’on pourrait pas arrêter de se faire disparaître?