Ça me fait tout drôle d’écrire ces lignes aujourd’hui. Ça me fait tout drôle parce que j’ai peur de choquer. Ce que je veux partager en ce début d’année, ce n’est pas un truc commun dont on parle souvent, mais n’empêche que, c’est un truc dont je suis fière d’avoir accompli et j’espère qu’en partageant mon année à avoir travaillé fort pour maintenir cette résolution, j’en inspirerai d’autre à en faire autant. Et cette résolution que j’ai maintenue pour toute l’année, c’était de passer un an tout entier sans automutilation. Après cette année de hauts, de bas et d’une rechute, je peux officiellement dire que je suis clean. Je peux enfin dire que j’ai réussi ma first ever résolution.
L’automutilation on n’en parle pas souvent. C’est laid, c’est pas joyeux, ça fait plutôt peur et c’est pas très beau. Pourtant, il faudrait. Quand je m’ouvre aux gens et que je leur dis que j’ai vécu une partie de ma vie avec une grave dépendance, l’association ne se fait pas. Lorsqu’on pense à dépendance, on pense à alcool, drogue, sexe, mais pas automutilation. Les gens ne voient pas l’état grave de la chose et pensent bien trop souvent que ce ne sont rien de plus que des petites coupures faites par manque d’attention. Crois-moi, j’aurais bien voulu simplement être en manque d’attention.
Au travers cette année sans me faire de mal, j’ai appris bien des choses. Les moments où j’avais une rage, où j’aurais pris n’importe quel objet coupant sur mon passage, je m’assoyais et je regardais mes cuisses. Je regardais mes poignets, mes avant-bras, mon ventre et même mes épaules (oui, les marques étaient partout). Je me concentrais à essayer de voir ce qu’il y avait de bien derrière ces cicatrices. À force de concentration et de répéter ce petit rituel, j’arrivais presque à ne même plus voir les marques. C’est comme si mon corps faisait peau neuve durant cette année-là et que je recommençais à m’aimer, comme quand j’avais 12 ans et que je criais: « c’est con les gens qui ne s’aiment pas! » (Oui, je sais, les gens qui ne s’aiment pas ne sont pas nécessairement cons. J’avais 12 ans et je manquais probablement de vocabulaire pour bien m’exprimer. Bref, j’avais beaucoup plus de facilité à m’aimer à cet âge!). En 2015, j’ai repris possession de mon corps. J’ai d’ailleurs voulu montrer cette reprise de possession en me faisant tatouer là où je me suis affligée du mal pour la toute première fois. En début d’été, je me suis faite tatouer un mot tout simple: aime. Tout près de mon regard, pour me rappeler d’aimer la vie, d’aimer les gens autour de moi, d’aimer ce que je fais, de m’aimer moi et de simplement aimer. À partir de ce moment, tout devenait clair: j’étais consciente que certaines cicatrices ne disparaitront jamais entièrement, mais cela n’avait plus à dicter ma vie. Je pouvais désormais porter des shorts courtes et retrousser mes manches si j’en avais envie. Les gens pouvaient poser leur regard de dégoût sur moi, je n’avais plus peur de toute façon parce que je m’aimais (enfin) beaucoup trop pour m’occuper de l’opinion des autres.
Lorsque mon ex m’a quittée, la rechute s’est pointée et avec encore plus de force. Cette rechute-là aurait pu être fatale. Cette rechute-là était synonyme de la première fois où j’ai réellement eu peur de moi-même. Je regardais les entailles, ou devrais-je dire, littérales excavations, au niveau de mes cuisses et je n’arrivais pas à associer ma propre main à cette atrocité. Je n’étais plus moi-même pendant littéralement 3 minutes complètes. La rechute n’était qu’à deux semaines du début de l’année, mais depuis ce moment, je me suis jurée que plus jamais je ne manquerais des minutes de ma vie de cette façon. Je n’ai plus jamais touché à une lame depuis cet incident, excepté pour la mettre aux vidanges.
Au-delà de l’apprentissage de l’amour propre, en 2015, j’ai appris à aimer la vie, à aimer toutes sortes de choses et à aimer vivre de nouvelles expériences. Je souhaite tellement à toutes les personnes aux prises avec cette dépendance de vivre ce sentiment de bonheur absolu quand on sait et quand on sent qu’on a finalement vaincu cette chose et que plus jamais elle ne prendra le dessus sur nous. Je sais maintenant que je peux faire confiance à la vie parce que je ne crains plus de me retrouver dans une situation difficile. Cette crainte s’est envolée car je n’ai enfin plus peur d’avoir à dealer avec l’envie de sortir mes lames.
C’est certain que tout ce passé douloureux ne pourra jamais être totalement oublié, car j’en ai la preuve tout juste sous mes yeux, mais avec toute cette confiance que j’ai accumulée en 2015, la nouvelle année ne pourra être autre qu’incroyable. À une autre année de paix avec moi-même!
Par Maude Prévost (POP-UP)