L’automne, c’est la saison des « c’pas long ». Tout est pas long.
C’pas long qu’il fait nuit d’une claque à 6 h du soir, c’pas long avant que tu pognes le rhume de quelqu’un d’autre qui l’avait pogné pas long avant toi aussi.
La période durant laquelle les arbres sont rouges, orange et presque mauves est magnifique. Mais c’pas long non plus. C’pas long parce qu’environ une semaine après que ça ait commencé, il s’agit juste d’une nuit de vent pis de pluie pour que ça soit brun. Période brune qui est nettement plus longue. Suivie de la période du blanc qui finit vite par redevenir brun quand t’habites en ville. Cette période-là, j’ai pas besoin de vous rappeler à quel point elle est interminable…
Mais l’automne, c’est aussi l’Halloween. En passant, j’en reviens toujours pas que « Halloween » est un nom féminin. Je trouve ça tellement laid, « JOYEUSE Halloween ». Mais bon.
Quand on est enfant, c’est une des journées les plus trippantes de l’année. On l’attend durant des semaines. On prépare notre costume pendant des soirées de temps. Ou plutôt, on gosse nos parents pendant des soirées de temps pour qu’ils nous fassent LE costume le plus hot.
Ce qui est plate, c’est que d’habitude la première neige décide de tomber très exactement cette journée-là. Ça veut dire quoi? Ben qu’il fait trop froid pour que ta mère te laisse sortir le soir sans ton manteau. Dark Vador avec une tite laine, ça donne pas le même effet.
J’me souviens d’une année ou, comme presque toutes les petites filles du monde (j’exagère à peine; sûrement qu’au Cameroun, y’avaient d’autres choses à faire), je m’étais déguisée en Jem de Jem et les Hollogrammes. Bon, si vous avez moins de 30 ans, vous n’avez probablement aucune idée de qui je parle. Allez chercher sur internet, vous êtes bons là-dedans.
Bref, Je m’étais crêpé les cheveux, j’avais mis des brillants dedans pis beaucoup trop de rose en spray. Dans c’temps-là, c’était de la teinture qui croûte pis qui était pas « santé-proof » certain. Ben, le 31 octobre, il faisait tellement froid que j’ai pas eu le choix de mettre mon maudit manteau d’hiver rouge. Jem avec un coat de skidoo, c’est aussi poche que Dark Vador avec une laine.
On habitait à l’extérieur de la ville. Pour nous, c’était pas vraiment possible de faire le tour du quartier à pied. Y’avait donc un pauvre parent qui était pogné pour trimballer 3 kids ben pleins de sucre avec les pupilles dilatées à l’extrême. Le seul moment où le supplicié avait un break, c’était quand il arrivait à nous « dropper » devant un bloc appartements. Là, y’avait droit à un p’tit 20 minutes pour relaxer un peu le temps qu’on fasse le tour.
Les blocs appartements pouvaient être ben payants ou non. En termes de bonbons, on s’entend. Parce qu’on va se le dire, on avait beau traîner la p’tite boîte de l’Unicef, osti que le monde en avait rien à cirer dans ce temps-là, des p’tits enfants qui meurent de faim. Mais pour les bonbons, y’avait pas vraiment moyen de le savoir à l’avance. C’était pas comme les maisons où la grosseur du magot allait souvent de pair avec la quantité de décorations plus ou moins ratées qui trônaient sur le terrain. On suait notre vie à courir dans les escaliers pour se rendre aux étages du dessus aussi rapidement que notre maquillage commençait à nous couler de la face. En fin de parcours, on avait plus l’air des membres de Kiss que d’un pirate, du p’tit gros dans Ghostbusters pis de Boy George.
Mais le pire, c’était ceux qui nous demandaient de chanter une toune. Osti que ça faisait chier. Ils se réunissaient une gang dans le même appart’ enfumé, avec leurs bières pis leurs paquets de cigarettes empilés sur la table, pis y’attendaient le show : « Boooooon les jeunes! Vous allez nous chanter une tite toune! » Devant nos faces de Gene Simmons démotivées, ils nous faisaient une couple de propositions de marde : « Awayyyez, là! Chantez-nous du Martine St-Claiiiiiir! La toune des chats sauvages, là ! Ben non Monique… c’est pas Martine St-Clair ça, c’est Marie Carmeeeen, voyons donc! » Pis là, pendant qu’ils s’obstinaient sur le nom de la chanteuse, on ramassait incognito une fuckin’ grosse poignée de bonbons dans le plat pis on sacrait notre camp en douce. On va se le dire, en général dans ces places-là, on récoltait pas mal juste des maudites Kiss pis 3-4 Rockets. Rien à voir avec les mini-barres de chocolat pis les sacs de chips des quartiers riches.
Pour terminer ça en beauté, on avait souvent le droit de finir cette fabuleuse journée en allant coucher chez un.e ami.e. Les parents étaient pas caves pareil… ils faisaient d’une pierre deux coups : non seulement on les trouvait tout à coup donc ben smats de nous laisser découcher en pleine semaine, mais en plus, ils s’épargnaient d’avoir une gang de mongoles en pleine overdose à la maison pis un ou deux kids qui finiraient immanquablement par vomir dans un coin.
J’aurais aimé ça vous mettre une couple de photos de mes déguisements de l’époque, au fil des années, mais j’en ai pas trouvé une qui n’est pas floue ou cadrée dans le sens du monde. Ou les deux en même temps. Je vous ai quand même déposé une photo de mon déguisement de Jem dans mon manteau rouge. Elle est justement floue et mal cadrée. T’sais, dans les années ‘80, si tu laissais un appareil photo (oui oui, un vrai) dans les mains d’une bande d’enfants de 10 ans, fallait pas que tu t’attendes à une session de photos digne de chez Sears… Tant mieux remarque, parce qu’ils auraient sûrement trouvé le moyen de mettre un fond avec des rayons lasers de couleur. Anyways, on avait le temps de pu trop y penser parce que les photos étaient jamais développées avant au moins une semaine… Mais on les faisait toujours sortir en double. Au cas.