De passer de jeune fille à jeune femme, ça devrait se faire dans la dignité, comme la chenille qui devient papillon, dans le calme et la sérénité avec l’espoir que les jours meilleurs sont encore à venir. Ou pas.
Étape par étape, le chemin initiatique de la vingtaine vient nous percer les chairs de ses dents de métal et nous laisse bientôt devenir une carcasse rouillée qui se fait appeler « ma p’tite madame » lorsqu’on demande dans quelle allée on peut trouver du Metamucil.
- Au début, tout va bien. 21, 22 ans, à peine majeure internationalement. T’as l’âge des blondes à Leonardo DiCaprio. Tu savoures ce début de vingtaine en commençant à boire ton café avec moins de lait pis de sucre dedans, tsé, pour faire plus « adulte ». Les banques veulent te donner une carte de crédit.
- Et puis, ça continue de bien aller. Tu termines peut-être ton parcours académique, tu t’enlignes pour trouver ta première vraie job enlignée dans ton domaine d’études. C’est quoi donc, ton plan? Designer de mode internationale pour les robes des soirées des Oscars? Ben oui, accroche-toi à tes rêves, fille, tout est possible.
- Oups. Les débouchés sont moindres. Tu pensais être engagée 40 heures par semaine drette en sortant de l’école et faire la couverture de Forbes. Pendant que tu sers des macchiato au lait de soya dans ton tablier vert forêt, tu penses à te recycler dans la porn.
- Toujours pas la job de tes rêves. Au même âge que toi, Monica Geller restait dans un 8 et demi à Manhattan et était chef d’un resto. Toi, tu trouves ton premier cheveu gris.
- Tes deux meilleures amies sont enceintes. Sur Facebook, tu suis l’évolution des maisons en construction de ceux qui sont de jeunes établis prospères. Ton fuck friend te texte une photo de sa graine.
- Les années passent, ton CV commence à prendre des belles couleurs, ton salaire s’en ressent, ta garde-robe s’ajuste. Tu commences à rentrer ta blouse dans ta jupe. Tu ne commandes plus systématiquement des shooters de P’tite Cochonne quand tu sors dans les bars. Tu te mets à aimer le vin. Tu te lances dans les causes, tu deviens PDG d’un OBNL qui vient en aide aux baleines albinos lesbiennes allergiques au gluten en Amazonie la fin de semaine. Tu recycles tes pots d’Activia comme une damnée. Ta porn, c’est le IKEA. Côté amour, c’est le premier chum avec qui vous le faites par tous les trous ET que vous faites des batch de sauce à spaghetti.
- LE JOUR où tu avais semblé remarquer ce qui ressemble à une patte d’oie sur le bord de ton œil ou que le galbe de tes boules commençait à descendre d’un étage, la petite hôtesse au restaurant t’appelle madame, mais t’entends pas parce que c’est trop bruyant. Ah oui, t’aimes pu ça les endroits trop bruyants. Ah, oui, t’es rendue trop vieille pour être la blonde à Leo. Tu noies ta peine en lisant les biographies de Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain et Amy Winehouse.
- Chaque anniversaire te rappelle que tu n’es pas encore l’adulte qu’on te dit que tu serais censée être, et tu cherches la source de cette câlisse de quête de l’Être Ultime. Tu peux ou non te recycler à fond dans le yoga et le spiritisme. Tu peux ou non faire le tour du monde en sac à dos et carte de crédit. Tu peux ou non fabriquer des colliers avec des bouchons de bière recyclés que tes amis n’achèteront pas. Tu peux ou non adopter un chien et l’habiller de façon coordonnée à ton linge. Tu peux ou non devenir cette designer de mode que tu promettais être dans tes cours d’E.C.C. au secondaire. Tu peux ou non prendre des brosses au Chablis et qu’au Chablis seulement, ma p’tite madame. Mais tu peux surtout dire « Mange d’la marde » à ceux qui te feraient sentir que tu n’es pas encore là où que tu devrais être parce que, quand tu seras sur ton lit de mort, à 30 ans, il faudra pouvoir te vanter d’avoir mené ta barque à ta façon. Que tu fasses la route des Kombucha ou que tu sniffes du speed en te levant, c’est ta crisse de vie à toi.